Les enjeux paysagers liés à l’agriculture

Dans ce département rural, la polyculture domine. Le Ribéracois et le plateau d’Issigeac tranchent par leurs paysages ouverts de grandes cultures. Au sud, les vignobles du Bergeracois présentent un paysage jardiné, aux parcelles soignées. Au sein des collines périgourdines, les vallées forment des couloirs agricoles qui orientent les vues, et forment des repères dans ces paysages limités par des lisières boisées.
Les clairières tendent à se réduire avec le recul agricole. Sur les plateaux cultivés ou dans les collines herbagères, le regroupement des exploitations et l’agrandissement des parcelles ont provoqué une simplification des paysages. La place de l’arbre s’est par endroit considérablement réduite. De nouveaux bâtiments sont apparus transformant les abords des fermes.

  Préserver les clairières agricoles diversifiées

Hormis dans les secteurs de grandes cultures (Plateau d’Issigeac, Riberacois, petits plateaux localisés…), et dans les couloirs des vallées, le département de la Dordogne se présente comme une succession d’ouvertures, entourées de lisières boisées, qui s’enchainent sur de larges portions de territoire. La notion habituelle de clairière, c’est à dire des parcelles agricoles au sein d’un massif forestier, s’étend ici à bien d’autres cas et avec de multiples nuances, au gré des alternances entre boisements, cultures et prairies. Ces ouvertures agricoles conditionnent largement la diversité des perceptions et offrent des respirations lumineuses autour des hameaux ou des villages. Certaines sur les hauts ouvrent la perception sur des horizons plus lointains. La richesse de ces clairières tient à la diversité qui les constitue, avec la présence de l’arbre et des différentes cultures et à la composition avec les fermes, hameaux ou villages. Le risque est que la fermeture trop importante du paysage limite, voire occulte, la perception de ses atouts (belvédère, relief, site historique, luminosité…). Une vigilance s’impose donc, pour d’une part limiter les extensions des boisements et d’autre part conserver la polyculture variée, qui caractérise les paysages de la Dordogne.

Pistes d’actions envisageables
- Pérenniser l’ouverture des clairières par l’agriculture. Inciter d’autres modes d’exploitations novateurs.
- Préserver et renouveler les arbres (haies, arbres isolés, rideaux) qui accompagnent les parcelles. Concilier le maintien de la trame arborée et l’évolution du parcellaire.
- Conserver l’équilibre et l’harmonie entre les différents éléments du paysage : prairies, cultures, vergers, bosquets, bois.
- Pérenniser les vergers (châtaignier, noyer, fruitier).
- Limiter les plantations forestières sur la parcelle agricole. Surveiller la progression des friches et des micro-boisements, vecteurs de fermeture du paysage. Remettre en exploitation agricole des boisements et les parcelles de friche qui ont grignoté l’espace ouvert. Refaire communiquer les ouvertures successives des petites clairières proches.
- Maintenir une diversité de taille de parcelles. Limiter la taille des parcelles, notamment sur les pentes, éviter les regroupements trop importants.
- Maîtriser le foncier aux endroits les plus sensibles (fort impact visuel, lieux stratégiques, pression bâtie).
- Eviter le mitage et l’urbanisation linéaire au sein des ouvertures. Maîtriser les ouvertures autour des villages.
- Maintenir ou créer un réseau de chemins agricoles accessibles sans culs de sac, surtout en périphérie des villages. Planter le long des chemins.
- Ouvrir des points de vue depuis les hauts. Gérer les parties hautes qui ont un coté plus attractif.
- Proposer des conventions de gestion pour les pelouses sèches, avec un pâturage spécifique. Mettre en place une gestion alternative en l’absence de reprise agricole.




  Maintenir l’ouverture et la diversité des vallées

Les vallées forment des traits d’union à travers le département, parcourus d’axes de communication et fédérant une bonne partie de l’urbanisation. Certaines vallées emblématiques constituent des évènements majeurs par leur relief, l’attractivité de la rivière, mais également leur patrimoine historique ou naturel. La perception des couloirs des vallées conditionne fortement la lisibilité du paysage. Leur lecture est grandement influencée par le maintien de l’agriculture qui les anime. Ainsi la conservation d’ouvertures reste primordiale pour découvrir, prendre du recul, s’orienter, ou encore appréhender de loin un site remarquable. Les vallées plus petites offrent aussi, par contraste, des repères à travers les étendues de collines boisées. Un équilibre est à trouver pour éviter la banalisation des fonds de vallée, soit par une fermeture visuelle soit au contraire par une trop grande ouverture qui entraine une homogénéité du fond de vallée. La place de l’arbre, cultivé ou non, mérite alors d’être considérée. Avec l’alternance des cultures et des tailles des parcelles, il participe à la variété des paysages des fonds de vallée. Les versants cadrent la vallée et ont un impact visuel plus étendu. Les ouvertures qui prennent place sur les pentes, souvent boisées, sont l’occasion de vues appréciables.

Pistes d’actions envisageables :
- Valoriser les caractéristiques paysagères propres de chaque vallée.
- Pérenniser l’ouverture agricole des fonds de vallée. Refaire communiquer les ouvertures successives des fonds, maintenir des perspectives.
- Conserver un cordon de prairies en fond de vallée le long de l’eau. Maintenir des espaces ouverts en prairie près des cours d’eau. Gérer la ripisylve qui signale le passage de l’eau. Trouver un équilibre entre gestion agricole et préservation des milieux naturels qui constituent des paysages particuliers.
- Conserver la diversité des cultures et notamment des cultures spécialisées : vigne, verger, maraîchage.
- Limiter les regroupements de parcelles qui unifient le fond de la vallée et font perdre une diversité arborée. Maintenir une diversité de taille de parcelles.
- Maintenir la présence de l’arbre (haie, arbre isolé…) qui ponctue ou limite les prés et les champs mais tout en veillant à ne pas refermer le fond de vallée. Concilier le maintien de la trame arborée et l’évolution du parcellaire.
- Surveiller la progression des friches et des boisements, vecteurs de fermeture du paysage. Eviter toute plantation forestière sur les prés.
- Réfléchir à la place du peuplier dans la vallée, notamment aux endroits les plus sensibles : confluences, proximité des bourgs et des ponts.
- Donner à l’agriculture une reconnaissance lui permettant de rivaliser avec la pression foncière urbaine. Maîtriser le foncier aux endroits les plus sensibles (fort impact visuel, lieux stratégiques, abords de villages).
- Maitriser l’urbanisation. Limiter le mitage et l’urbanisation linéaire. Stopper en grande partie l’urbanisation résidentielle ou industrielle des terres agricoles. Conserver des coupures agricoles entre les bourgs.
- Dégager les vues depuis les routes de fond de vallées et des versants.




  Maintenir une diversité dans les paysages de grandes cultures

Les paysages de grandes cultures se concentrent essentiellement dans le Ribéracois et sur le plateau d’Issigeac. Ailleurs elles peuvent s’étendre plus ponctuellement à la faveur d’une vaste clairière ou d’un fond de vallée. Les larges horizons, le damier des parcelles, la saisonnalité des cultures… peuvent constituer, certes, une identité forte qui prend toute son importance après la traversée des paysages majoritairement très boisés de la Dordogne. Ces étendues cultivées offrent alors de vastes respirations où tout devient plus lisible. Mais cela a d’autant plus de force que des éléments de diversité sont encore présents. La simplification et une homogénéisation trop poussée du paysage tendent à lui faire perdre son attrait ou encore son côté vivant et à le rendre monotone. La présence de l’arbre (isolé, en bosquet, haie, rideau ou ripisylve), de bandes enherbées, de fossés ou de ruisseaux à la gestion plus naturelle, apporte une diversité en contrepoints, et forme des repères et des contrastes. Cela permet également de lutter contre l’érosion, de participer à la qualité agronomique des sols et au maintien de la biodiversité. Les abords des chemins peuvent être également le support de cette diversité, en conciliant desserte agricole et découverte du paysage. Une coordination avec la démarche Trame Bleue /Trame Verte est à envisager.

Pistes d’actions envisageables :
- Conserver l’équilibre et l’harmonie entre les différents éléments du paysage (culture, verger, bosquet, boisement).
- Préserver les arbres (haies, arbres isolés, rideaux) qui accompagnent les parcelles. Concilier le maintien de la trame arborée et l’évolution du parcellaire.
- Veiller à maintenir l’arbre dans le paysage. Renouveler les arbres vieillissants. Inciter à replanter des arbres de haut jet pour l’avenir. Diversifier les modes de plantation : arbre isolé, ligne, haie... Cibler les actions de replantations sur les secteurs qui se sont le plus ouverts.
- Développer des projets d’agroforesterie mêlant arbres (fruitiers ou forestiers), culture ou élevage.
- Maintenir les ripisylves le long des cours d’eau et le maillage bocager autour des prés dans les vallons.
- Entretenir et replanter des alignements d’arbres le long des routes.
- Maintenir ou créer un réseau de chemins agricoles accessibles sans culs de sac, surtout en périphérie des villages. Planter le long des chemins.
- Gérer et planter les abords des villages tout en veillant à ne pas les masquer. Planter les abords des nouvelles constructions.




  Encourager la diversité et la qualité du paysage viticole

Le vignoble a toujours un attrait particulier, avec sa structure jardinée, maitrisée, et graphique, constituée par les rangs de vigne et le petit parcellaire. La présence de la vigne fédère souvent les perceptions même si elle n’est pas majoritaire. Les variations au cours des saisons jouent également un grand rôle, lui donnant de nombreuses tonalités renouvelées. La qualité du paysage viticole participe grandement à l’image de marque de la profession et de ses crus. Elle est liée à l’agencement des vignes en adéquation avec le relief et au maintien d’une diversité qui participe à son charme. Ainsi il est important que la taille des parcelles soit réfléchie et composée en harmonie avec les coteaux. La présence de l’arbre sous plusieurs formes (isolé et majestueux, en bosquets repères, en cadrage avec les lisières forestières…) joue un rôle dans l’attractivité des lieux. Les panoramas méritent également d’être préservés et mis en valeur surtout à proximité d’un château ou depuis les routes et les chemins en balcon. La maîtrise de l’urbanisation est également nécessaire pour éviter le mitage des vignes, aux abords des fermes, des chais et des villages. L’enjeu pour le vignoble est de conserver et promouvoir un paysage diversifié, formant l’écrin des villages et la réputation des domaines viticoles.

Pistes d’actions envisageables :
- Conserver une diversité au sein du parcellaire (prairie, fruitiers, bosquets).
- Renouveler les arbres isolés vieillissants.
- Encourager la plantation d’arbres ou de fruitiers entre les parcelles de vignes.
- Préserver le petit parcellaire. Eviter les regroupements trop importants de parcelles.
- Mettre en valeur les chemins à travers le vignoble. Eviter les revêtements de sol imperméabilisants.
- Favoriser l’insertion paysagère des ouvrages hydrauliques. Privilégier les techniques qui favorisent l’infiltration des eaux de ruissellement.
- Maîtriser le développement et la qualité des bâtiments d’exploitations. Prendre en compte la valeur patrimoniale des fermes anciennes. Mettre en valeur les abords des exploitations viticoles et des chais.
- Mettre en valeur le petit patrimoine de pierre qui ponctue le vignoble : pigeonnier, moulin, mur de clôture…
- Porter l’effort de mise en valeur du vignoble en priorité le long des axes routiers et des points en belvédère.
- Constituer des itinéraires pour découvrir le vignoble et mettre en avant ses points forts. Conserver des vues depuis les chemins et les routes en gérant la végétation. Identifier et aménager des belvédères pour profiter du paysage (bande d’arrêt le long des routes, plateforme sobre, vergers, table d’orientation, mobilier discret).




  Soigner la qualité des bâtiments agricoles et de leurs abords

Les évolutions techniques des exploitations, de la Politique Agricole Commune et des normes, ont entrainé une transformation des bâtiments. La construction de nouvelles structures (hangars, silos, épuration, méthanisation) isolées ou non, a vu le jour à travers l’ensemble du département. Le choix des sites d’implantation de ces bâtiments demande une grande attention pour parvenir à une composition en harmonie avec le paysage, les fermes ou encore les villages environnants.
Leur localisation et leur qualité architecturale (volumes, matériaux, couleurs…), ainsi que l’aménagement de leurs abords (terrassements, plantations, chemin d’accès, transition avec les prés) peut participer à mieux inclure les nouveaux bâtiments. Les corps de ferme anciens constituent dans bien des cas un patrimoine bâti, qui peut être restauré. La qualité architecturale et paysagère des fermes est un atout pour l’image de marque d’une profession en évolution (circuits courts, vente directe, activité touristique) qui a un grand rôle dans la gestion du paysage.

Pistes d’actions envisageables :
- Eviter les implantations trop visibles pour les nouveaux bâtiments : en crête, en entrée de village ou en bord de route.
- Soigner l’architecture des bâtiments (volumes, matériaux), fractionner les volumes.
- Bien étudier l’impact paysager ou patrimonial des toitures photovoltaïques. Valoriser les toitures existantes plutôt que de construire de nouveaux bâtiments "supports" de toitures photovoltaïques.
- Privilégier des bâtiments de teinte sombre, plus discrets dans le paysage.
- Soigner l’entrée de la ferme. Planter des arbres isolés ou alignés le long du chemin d’entrée.
- Sensibiliser les propriétaires à l’intérêt du bâti ancien. Prendre en compte la valeur patrimoniale des anciennes fermes. Maintenir un espace entre le bâti ancien et les nouveaux hangars. Prendre garde à la concurrence visuelle des hangars avec le bâti ancien.
- Planter aux abords des bâtiments pour faire une transition avec le paysage. Utiliser des essences locales adaptées au contexte ou des vergers.
- Installer les stockages dans des lieux discrets en arrière-plan.
- Réfléchir à l’accueil du public et à la vente directe.




  Bibliographie paysage et agriculture

Sites internet

Architecture et agriculture dans les paysages
Agroforesterie
Arbres remarquables et gestion des arbres- CAUE 77

Plaquettes

- Gestion des paysages viticoles. IFV, 2015
- Paysage et aménagement foncier agricole et forestier. Ministère de l’Agriculture, 2010
- Paysage et agriculture. IFV, 2009
- Appellation d’Origine Contrôlées & Paysages. INAO, 2006

Guide

- l’Agriculture et la forêt dans le paysage. Ministère de l’Agriculture, 2002

Ouvrage

Paysage et agriculture pour le meilleur, Régis Ambroise et Monique Toublanc, 2015, Educagri


Voir aussi