Le socle naturel à l’origine de l’organisation des paysages

A l’intérieur du département, relief et nuances climatiques organisent le paysage à plusieurs échelles

La vallée de la Crempse à Issac

  Deux pentes perpendiculaires

La pente et le gradient climatique est-ouest

De grandes vallées est-ouest aux tracés plutôt réguliers et parallèles structurent la région de manière assez systématique avant de converger vers la Gironde : le Tarn (et ses affluents, le Thoré, l’Agout, le Dadou), l’Aveyron, le Lot, le Dropt (moins marqué), la Dordogne (et la Vézère), l’Isle, la Dronne....
Le département de la Dordogne est ainsi marqué par une inclinaison est-ouest qui correspond aux tracés des principales vallées naissant du Massif du Cantal, du Puy de Sancy ou du plateau des Millevaches rejoignant l’estuaire.

En Dordogne, hormis un effet de marche d’escalier à la limite du massif cristallin, leur pente est assez régulière et les plateaux qui les bordent voient également leur altitude décroître progressivement vers l’ouest. Cette déclivité régulière des plateaux et des vallées coïncide avec le gradient climatique est-ouest du département.

Diagrammes climatiques
Les diagrammes illustrent principalement les faibles différences climatiques à l’intérieur du département, sauf dans le nord-est. Partout, les maximums de précipitations sont en hiver et secondairement au printemps, la sécheresse estivale est courte et peu marquée, y compris dans le sud-est. Le caractère méditerranéen qui peut apparaître dans certains paysages a ainsi une origine moins climatique qu’édaphique. La station de Jumilhac témoigne de la partie limousine qui se distingue nettement par des précipitations plus abondantes toute l’année et des températures plus faibles de 2 à 3°, concourant aux ambiances plus humides de la partie nord-est. Source : https://fr.climate-data.org/

Des reliefs qui s’adoucissent vers le nord

Perpendiculaire à la pente nord-est sud-ouest, un autre axe, peu représenté, démontre la complexité du relief de la Dordogne. D’une part, les plateaux, cernant les grandes vallées, ont une altitude plus élevée au sud qu’au nord ; et d’autre part la différence de dénivelé entre le fond de vallée et les sommets est plus marquée au sud qu’au nord.
Cette différence s’explique par le long parcours de la Dordogne, depuis les monts Dore, elle est déjà profondément enfoncée dans le plateau lorsqu’elle atteint Cazoulès (85 m d’altitude, tout comme la Vézère au niveau de Terrasson). Ainsi les plateaux à 200 m d’altitude dominent la rivière. Plus au nord, les différences d’altitudes s’amenuisent progressivement à l’approche de la vallée de l’Isle, de la Dronne puis de la Lizonne.

Coupe du nord-ouest au sud-est
De la Lizonne à la Dordogne, les vallées sont de plus en plus profondes tandis que les plateaux sont de plus en plus hauts. Le profil montre bien l’augmentation des dénivelés vers le sud-est. Ce gradient est assez constant dans le département, entre Quercy et Charente.
Source : Ign Géoportail

  La densité inégale des réseaux hydrographiques

La densité des cours d’eau est particulièrement inégale à l’intérieur du département. Le Nord-Est cristallin (repère 1 sur la carte) et le bassin de Brive (2) d’une part, les plateaux de l’Ouest, (3, 4, 5) d’autre part, présentent les réseaux les plus denses. Au Nord-Est, les terrains granitiques ou métamorphiques et les pluies assez abondantes expliquent ces densités qui sont celles du Limousin et, au-delà, d’une bonne partie du Massif central. À l’ouest, ce sont plutôt les dépôts d’argiles mêlées aux sables du Tertiaire qui provoquent l’imperméabilisation des sols. Dans ces deux secteurs, mais plus particulièrement dans la Double (3), s’ajoute à la densité des cours d’eau celle des étangs, dont la construction, souvent ancienne, a été facilitée par l’imperméabilité des sols.
Le plateau du Périgord, surtout dans sa partie centrale et au Nord, présente au contraire très peu de cours d’eau actifs. Les rivières sont particulièrement rares sur le vaste ensemble de plateaux correspondant au bassin de d’Isle en amont de Neuvic (6), à celui de la Dronne en amont de Creyssac (7), de la Nizonne et de la rive gauche du Bandiat (8). Les substrats calcaires filtrants des plateaux en sont la cause, tant dans le domaine Jurassique que Crétacé.
Sur ces terrains où s’élaborent différents phénomènes karstiques, les vallées sèches ou partiellement sèches ne sont pas rares. Le modelé des plateaux a en quelque sorte conservé la trace des rivières qui s’y écoulaient autrefois mais qui ne sont plus actives aujourd’hui. La différence, en termes de paysages, avec les secteurs aux rivières plus nombreuses, n’est pas si flagrante, le dessin de la vallée étant généralement plus perceptible que celui des petits cours d’eau.

Carte du réseau hydrographique
Les numéros se rapportent au texte
Source : Ign Géoportail
Carte des plans d’eau
Source : Ign Géoportail

La présence d’étangs est inégale : ces plateaux en sont plutôt dépourvus mais ils sont localement fréquents dans le Mareuillais où ils ont surtout été creusés dans un but de loisirs dans les années 60 (pêche, baignade privée), et plus largement au sud de Périgueux, où ils correspondent à des aménagements plus récents pour l’irrigation, notamment pour la culture de fraises. Mais ces pièces d’eau, souvent masquées par des arbres, restent peu visibles malgré leur nombre.
Les versants de la Vézère et de la Dordogne en amont de leur confluence (9), ainsi que ceux qui rayonnent autour des sommets situés près de Capdrot (Lémance, Couze, Dropt…) présentent une densité de cours d’eau intermédiaire.

  Les variations végétales locales : mosaïque écologique et paysage

Si l’approche historique (Voir article Des paysages paléolithiques à ceux d’aujourd’hui) nous montre que les paysages actuels ont été profondément transformés par l’homme dans les deux derniers millénaires, les conditions du milieu restent néanmoins déterminantes pour orienter la physionomie des différentes parties du territoire : on ne pratique pas partout la même agriculture, les friches n’évoluent pas vers les mêmes boisements, etc. A cet égard, le substrat sur lequel se développent les sols peut manifester en Dordogne de grands changements sur de petites surfaces.
Ainsi, l’inégale répartition des dépôts détritiques qui ont recouvert au Tertiaire les épaisses couches de sédiments marins sous-jacents apparaît comme une cause importante de la diversité des sols et de la végétation. Et dans ce pays rarement plat, les pentes et les expositions vont se combiner à ce premier facteur pour proposer une grande variété de conditions locales. On parle ainsi de « mosaïque écologique », terme encore mal défini qui évoque une juxtaposition de biotopes se traduisant par un paysage très changeant, difficile à appréhender en entités ou en structures bien définies.
En partie masquées par cette imbrication, quelques dominantes peuvent néanmoins être distingués à travers les « séries de végétation » qui désignent la tendance à se développer naturellement en un lieu donné.
Le chêne pédonculé correspond à la série de végétation la plus étendue du département. Bien que souvent remplacé par du pin maritime depuis le XIXe siècle, il tend à dominer dans la Double et le Landais et apparaît souvent sur les autres plateaux où il peut également être concurrencé par le châtaignier. Vers le Sud-Est aux sols plus secs, il est peu à peu détrôné par le chêne pubescent, qui l’emporte au sud de la Vézère. En revanche, sur les terrains cristallins du Nord-Est, les premiers hêtres apparaissent, souvent accompagnés de châtaigniers.
La forêt de chêne pubescent, plus ouverte, souvent associée au charme, est développée notamment sur les versants calcaires aux sols généralement moins épais. Les terrains concernés ont souvent été cultivés ou plantés en vignes par le passé, mais abandonné aux landes après le phylloxera, à la fin du XIXe siècle. Plus tard, des reboisements en pin sylvestre sont apparus. Dans les secteurs les plus secs du Sarladais, quelques chênes verts témoignent de conditions quasi méditerranéennes sur les maigres sols des versants les plus ensoleillés.
Dans les vallées, des zones marécageuses, parfois d’anciennes tourbières, ont pu être plantées en peupliers.

Assemblage des cartes de végétation au 1/200 000 couvrant la Dordogne
Le chêne pédonculé (teintes bleu foncé) domine dans plusieurs secteurs caractérisés par des terrains siliceux : sur les sables argileux de la Double et le Landais, sur les altérites du Sud (Lémance, Belvès), mais aussi du centre du département, enfin sur les terrains cristallins du Nord-Est.
Le chêne pubescent (en vert) apparaît surtout dans la partie centrale du département. Il domine sur les versants de calcaires jurassiques et s’il est également bien présent sur les calcaires crétacés, les limites sont parfois nettes à l’échelle départementale entre ces deux séries qui correspondent à des ambiances assez différentes par la hauteur des peuplements, leur densité, la composition du sous-bois.
Le chêne vert (en jaune) accompagne le chêne pubescent autour de Sarlat, sur les terrains les plus secs qui prennent ainsi des allures méditerranéennes.
Source : CNRS, Carte de la végétation de la France au 1/200 000

Mais le rôle des arbres dans le paysage n’est que partiellement traduit par les séries de végétation. En Dordogne, particulièrement dans la partie est du département, les vergers de noyers sont un motif majeur. Des pins maritimes, pas nécessairement nombreux, surgissent parfois dans le champ visuel en dehors de la Double ou du Landais, et rompent la monotonie de certains boisements des plateaux centraux. Les châtaigniers, généralement minoritaires mais souvent associés à d’autres feuillus, contribuent également aux ambiances des plateaux centraux, en particuliers sur les altérites, bien développées dans le sud du Périgord central. Enfin les pins sylvestres, isolés ou en bosquets sont également nombreux sur les plateaux acides. On peut également les trouver sur des sols calcaires, qu’ils supportent, à la différence des autres pins.

Carte des sylvoécorégions (Inventaire forestier - Ign)
Pour l’Inventaire forestier national, comme pour les géologues, le terme de Périgord correspond aux plateaux crétacés du département, et constitue une vaste entité aux nombreuses variations internes, tandis que les autres sylvoécorégions sont plus précisément définies.