Le contraste entre ruralité des plateaux et urbanité modeste des vallées

La population, peu nombreuse (413 606 habitants [1]), est concentrée dans les grandes vallées aménagées. Les plateaux sont structurés par de nombreux villages bien répartis

Les vallées concentrent l’essentiel des bourgs et des villes. Bergerac dans la vallée de la Dordogne

  Distribution du bâti

Presque toutes les villes d’une certaine importance sont dans les vallées, souvent sur une terrasse quaternaire récente en léger surplomb, ou en fond de vallée si elle est étroite, sur les derniers dépôts alluviaux ou au bas des versants. La hiérarchie des villes reflète celle des cours d’eau mais leur emprise totale reste modeste. A part Périgueux, leur faible importance ne leur permet pas de s’étendre suffisamment pour former des agglomérations continues occupant tout le fond de vallée. Des portions de vallées souvent en herbe, parfois cultivées, où s’égrènent souvent des habitations isolées, divers aménagements, une ou plusieurs routes, s’insèrent entre la plupart des villes et des bourgs.

Carte du bâti
Outre les différences de densités et formes bâties entre plateaux et vallées, la carte montre la rareté relative des constructions dans les secteurs traditionnellement boisés : Double et Landais principalement, mais aussi Bessède, Liorac...
Source : IGN RGE
Carte de population par commune
L’essentiel de la population se concentre dans les vallées de l’Isle et de la Dordogne à l’aval de Périgueux et de Bergerac. Sur les plateaux, la répartition des bourgs et villages présente une hiérarchie homogène.
Source : IGN RGE

Contrairement aux villes, l’habitat rural a souvent privilégié les crêtes déboisées qui caractérisent une part importante des plateaux, notamment là où les sols sur altérites ou dépôts tertiaires continentaux se sont révélés plus propices à l’agriculture. Dans ce cas, ce sont les parties les plus hautes qui portent les habitations, fermes ou hameaux qui se succèdent, parfois de manière rapprochée, complétés par quelques villages. Aux environs de Périgueux, jusqu’à environ 6 km de la vallée, le mitage sur les crêtes a complété les formes traditionnelles jusqu’à constituer un tissu urbain lâche. Plus au sud, cette forme d’urbanisation en crête a gagné Coursac.
En revanche, lorsque les crêtes ont moins favorisé l’agriculture, et qu’elles se trouvent à l’écart des centres urbains, comme dans le Mareuillais ou la Double, il y a alors peu d’habitat hors vallées.
Entre ces deux configurations du bâti, en vallée ou en crête, la présence humaine est beaucoup plus discrète et la forêt s’impose souvent comme élément principal du paysage. Les bastides et autres implantations médiévales importantes tendent à s’écarter de ce schéma en privilégiant des bords de plateaux dominant une vallée, des buttes ou des éperons : Domme, Monpazier, Beaumont, Villefranche-de-Lonchat, Villefranche-de-Périgord, Molières, Belvès… Dans ce cas les villes peuvent prendre un peu de hauteur mais parfois juste de quoi dominer la rivière (Eymet, Lalinde, Vergt, Saint-Aulaye). Lorsqu’il ne s’agit pas de bastides, ne restent sur les hauteurs que quelques bourgs (Thiviers, Nontron, Thenon, Belvès) ou gros villages (Piégut, Mensignac, Salignac, Rouffignac, la Coquille, Saint-Saud-Lacoussière, Génis, Hautefort…), la plupart dans la partie est du département.
Enfin il faut signaler Sarlat, ville importante et atypique du département, dont le site de vallée peu marquée, à l’écart des grandes rivières, a facilité une extension récente sous forme de mitage en tache d’huile.

  Un réseau d’infrastructures sans grandes concentrations

A l’écart des grandes routes

Réseau routier primaire et secondaire
Source : IGN RGE

« Les grands axes de communication routiers et ferroviaires du XXe siècle semblent avoir soigneusement cherché à éviter le département. » [2]
Les grandes routes nord-sud passant par Brive et par Bordeaux, la Dordogne est plutôt épargnée par les lourdes infrastructures. Le trafic de l’A89 qui traverse le département d’est en ouest représente moins du 1/3 de celui de l’A20 ou de la N10. La N21, qui traverse le département du nord au sud, est la seule autre voie à supporter un trafic de plus de 5000 véhicules par jour hors agglomération. Les plus forts trafics départementaux se limitent à la banlieue de Périgueux, surtout vers l’est, sur la même N21, et dans une moindre mesure à proximité de Bergerac, toujours sur la N21 (rocade sud).

Pour desservir le reste du territoire, ses crêtes et ses vallées habitées, le réseau historique des routes et chemins formait une trame dense et assez régulière au XIXe siècle. Tandis que les grandes routes, qui correspondent encore au réseau principal actuel, privilégiaient déjà les crêtes et les vallées, le réseau secondaire, plus dense qu’aujourd’hui, tenait moins compte des reliefs. Cette répartition a été réorganisée au XXe siècle par l’ajout de routes le long de certaines rivières qui en étaient dépourvues, et par l’abandon d’une partie des chemins joignant les vallées aux crêtes. Les effets de la déprise agricole et du reboisement, et la concentration de la circulation sur ces parties urbanisées ont ainsi apporté un contraste nouveau au paysage des plateaux dont de vastes espaces semblent délaissés tandis que d’autres restent habités.

La disparition des routes et des chemins dans les environs de Bourrou. Carte d’Etat-Major et carte actuelle au 1/25 000
Le réseau actuel est à eu près deux fois moins important qu’au XIXe siècle. Comme dans tout le département, les routes de crêtes et de vallées se sont maintenues, ou ont augmenté, mais la plupart des versants, abandonnés à la forêt, ont perdu leurs chemins.
Source : IGN Géoportail


Le réseau ferroviaire suit les grandes vallées

Voies ferrées et gares
Source : IGN RGE, SNCF

Pas de ligne à grande vitesse mais plusieurs voies ferrées irriguent le département, rayonnant surtout autour de Périgueux, vers Bordeaux, Limoges, Brive et Agen. Une ligne à voie unique longe également la vallée de la Dordogne entre Libourne et Sarlat via Bergerac. A la frontière ouest, la gare de la Roche-Chalais permet de relier Bordeaux et Angoulême et, à l’est, la gare de Souillac, sur la ligne Paris-Toulouse, est également frontalière (la petite ligne qui passe par Saint-Yrieix est plus marginale). Toutes les lignes empruntent principalement les vallées où elles contribuent aux ambiances habitées et à y concentrer les signes de l’urbanisation (Isle et Dordogne, mais aussi Dronne aval, Beauronne, Manoire, Manaurie, Cern, Vézère en amont du Lardin-Saint-Lazare et en aval de Tayac, Saint Geyrac, Nauze, Lémance). Quelques tronçons de voies ferrées à l’est sortent tout de même des vallées pour traverser les massifs : à partir de Thiviers vers Limoges, aux environs de Thenon, de Mazeyrolles.

Délaissé par les transports terrestres, le département est en revanche assez équipé en infrastructures concernant le trafic aérien. Si l’aéroport de Bergerac est le seul à connaître un trafic assez important (près de 1000 passagers par jour), plusieurs autres aérodromes de dimensions ou de trafic modestes se sont appropriés les rares terrains plats disponibles : Fougueyrolles, Belvès, Domme, Ribérac sur plateaux ou hautes terrasses et Périgueux-Bassillac, le seul à être sur un fond alluvial à la confluence de l’Isle et de l’Auvézère.

  Rares paysages industriels

« Les anciennes industries traditionnelles du Périgord, papeteries et forges en particulier, pourtant très actives au XVIIIe siècle, n’ont pas eu de postérité » [3]
Les rares paysages industriels sont principalement dans les vallées et n’occupent des surfaces importantes que dans les agglomérations de Périgueux et de Bergerac. Des sites de moindre importance se rencontrent toutefois dans les vallées de l’Isle et de la Dordogne à l’aval de ces deux agglomérations. On en compte peu dans les villes secondaires, Sarlat, Terrasson, Ribérac, et ils se limitent à des unités dispersées autour des bourgs tels que Nontron ou Thiviers, situés au pied du Périgord Limousin.
Souvent à proximité des zones d’activité et contribuant à une part des extensions urbaines, les zones commerciales connaissent aussi quelques développements en relation avec le tourisme (Sarlat, sites des vallées de la Vézère et de la Dordogne).

Zones d’activités
L’absence de grand centre urbain et la situation du département par rapport aux axes de transport explique en bonne partie la rareté des installations industrielles.
Source : IGN RGE
Zones commerciales
Les zones commerciales se sont étendues à la périphérie des villes et des sites touristiques.
Source : IGN RGE

  Des cours d’eau inégalement domestiqués

Complétant les installations industrielles, barrages, moulins et autres aménagements hérités ou actuels des cours d’eau jouent un rôle dans les dynamiques des vallées et participent à la composition des paysages. En Dordogne ces installations sont nombreuses, et le département dépend aussi de celles qui sont en amont.

« Sur l’ensemble de son parcours, la rivière (Dronne) est jalonnée de seuils de moulins que l’on rencontre en moyenne tous les deux à trois kilomètres. La morphologie actuelle de la Dronne est donc très largement influencée par les ouvrages hydrauliques actuels et passés, certains ayant disparus. »
Syndicat mixte de rivières du bassin de la Dronne http://www.rivieres-dronne.com/principaux-cours-d-eau-du-bassin/les-principaux-cours-d-eau/la-dronne

« La rivière (Isle à l’aval de Périgueux) aménagée en une série de 40 biefs, avec barrages de retenues, alimentant en énergie autant d’usines (minoteries, papeteries, fonderies, huileries...) dont certaines sont toujours en activité. D’autres sites ont été transformées en centrales électriques. »
Syndicat mixte interdépartemental de la vallée de l’Isle http://www.smivi.org/

« De la source (de la Dordogne) à Bergerac, 8 grands barrages produisent de l’électricité. Malheureusement, ils forment aussi un obstacle physique à la migration des poissons et des alluvions, et leur gestion ne tient pas compte des nécessités écologiques de la rivière »
Syndicat mixte d’études et de travaux pour l’aménagement et a protection de la rivière Dordogne.
http://www.espace-riviere.org/2015/06/les-problemes-rencontres.html#more

Ainsi, le paysage des grandes vallées, mais aussi d’une bonne part de leurs affluents, dépend d’aménagements lourds ou nombreux. Les plus importants sont en amont du département (succession de barrages sur la Haute-Vézère, ou sur la Dordogne depuis Bort-les-Orgues), lequel ne connaît pas de lac de retenue important.
Sauf conditions exceptionnelles, le débit et le tracé des rivières sont sous contrôle, les inondations sont devenues rares ou limitées en ampleur, et la nature ainsi domestiquée permet une occupation quasi permanente des berges à des fins surtout agricoles, parfois urbaines. De Lisle à Ribérac, le lit majeur de la Dronne peut prendre des allures de bocage. A Périgueux les extensions récentes ont pu délaisser les terrasses surélevées pour occuper une partie du fond de la vallée de l’Isle. La Dordogne est si bien canalisée ou endiguée qu’à l’aval de Bergerac, le vignoble a pu s’étendre sur les berges.

[1INSEE habitants au 1er janvier 2017

[2Atlas de la Dordogne-Périgord- 1996, Patrick Ranoux

[3Atlas de la Dordogne-Périgord- 1996, Patrick Ranoux