Les enjeux paysagers liés à l’urbanisme

Villages et villes de Dordogne se sont constitués au cours des siècles, laissant un héritage patrimonial de bourgs, villages et hameaux établis sur des sites privilégiés : site défensif, versant ensoleillé, bord de rivière ou clairière agricole …
Récemment les extensions urbaines se sont surtout faites avec des maisons et des lotissements en périphérie des centres anciens ou étirés le long des routes. La silhouette des villages a souvent été brouillée. L’entrée de ville se fait à travers un tissu commercial et artisanal qui donne la première image de la ville, parfois peu harmonieuse.
Les bourgs peuvent évoluer en se donnant quelques règles pour composer le nouveau paysage urbain : structurer les extensions autour de nouvelles rues bien reliées au centre, rénover les maisons du centre bourg, redessiner les espaces publics. L’enjeu est d’accueillir de nouveaux habitants, de nouvelles activités en les intégrant au bourg existant ainsi qu’au paysage environnant.

  Contenir et recomposer l’urbanisation

Autour des bourgs et des villes, l’urbanisation a délaissé les centres pour s’étaler avec des extensions pavillonnaires ou d’activités en périphérie, s’étirant le long des routes ou essaimant à travers la campagne. Cet étalement désordonné, voire décousu, a entrainé souvent une banalisation drastique des lieux et des paysages, gommant l’identité locale. Les usages et les fonctions sont alors sectorisés et juxtaposés. Les zones pavillonnaires, commerciales ou d’activités sont tournées sur elles-mêmes, enclavant parfois des espaces agricoles entre des tranches d’urbanisation successives. Mais ces modes de développement urbain sont maintenant questionnés face à la médiocrité des paysages périurbains qu’ils composent, à la consommation croissante des terres agricoles, à la nécessité d’un développement plus durable pour faire face au dérèglement climatique. Affirmer des limites nettes, instaurer des transitions, densifier en recomposant, donner des repères ou encore créer des liens urbains constituent des pistes à envisager. La maîtrise souhaitable du développement de la ville sur son territoire, et sa recomposition, imposent une anticipation sur son avenir et l’élaboration d’un projet urbain et paysager dans lequel elle va s’inscrire. Cet enjeu doit être également envisagé à une échelle intercommunale pour instaurer un équilibre dans les développements. Ces réflexions doivent s’inscrire dans les documents d’urbanisme tels que les Scot et les PLUi.

Pistes d’actions envisageables :
- Prôner un développement durable et économe de l’espace dans les documents d’urbanisme. Proscrire l’urbanisation linéaire et le mitage. Mettre en place des limites pérennes à l’urbanisation.
- Préserver la silhouette groupée des villages et des bourgs. Etre vigilant sur l’emplacement, les volumes et les couleurs des nouvelles habitations.
- Donner aux espaces agricoles une reconnaissance et une protection forte leur permettant de rivaliser avec la pression foncière urbaine. Eviter la fragmentation des espaces agricoles.
- Définir un projet urbain à long terme. Anticiper les futurs secteurs d’expansion urbaine. Acquérir des réserves foncières pour amorcer la densification dans des lieux stratégiques : proximité d’un centre, d’un équipement public, de commerces, desserte transport en commun...
- Dynamiser les centres bourgs pour inciter la restauration des habitations. Faire évoluer le bâti ancien en centre bourg pour mieux correspondre à la demande actuelle (restructuration d’îlots).
- Penser à densifier ou à recomposer les quartiers existants plutôt que de s’étendre.
- Requalifier le foncier délaissé ou en friche des anciennes industries ou des activités.
- Envisager d’autres formes d’urbanisation que le lotissement au profit de quartiers reliés avec le centre bourg. Créer de nouvelles voies et un maillage viaire.
- Prévoir dans toute extension urbaine des espaces publics structurants en lien avec le centre bourg.
- Affirmer les entrées, requalifier les voies d’accès, les pénétrantes, les boulevards.
- Composer la périphérie et la transition ville-campagne. Soigner les périphéries des villages : plantations, chemin de tour de village, abords du cimetière.




  Dynamiser les centre-bourg

Un centre bourg animé avec des espaces publics de qualité joue un grand rôle pour l’image de la commune. A l’origine, le centre ancien rassemblait lieux de vie et activité en fédérant également les habitants de la campagne environnante. Les centres anciens n’ont ensuite pas forcément bénéficié d’une attention soutenue compte tenu de la facilité d’habiter ailleurs. Les modèles pavillonnaires en lotissement ou linéaire le long des routes ont prédominé, rendant les habitants tributaires de la voiture. Aujourd’hui les programmes de redynamisation urbaine, portés par l’Etat et les collectivités, tentent d’infléchir cette tendance passée pour engager la transformation des centres anciens et leur adaptation aux envies d’habiter actuelles. Dans ces cadres urbains historiques, des mutations tant du bâti que des espaces publics doivent voir le jour pour affirmer des centralités bien identifiables et surtout attractives, formant des repères incontournables. Réinvestir le bâti des cœurs anciens offre des opportunités de créer des logements sociaux, une opération de démolition/reconstruction, un commerce, un gite de vacances … Maintenir dans le centre du bourg des activités, des commerces, des écoles, des crèches, des maisons d’accueil pour personnes âgées ou encore des locaux associatifs est un fort enjeu pour garder au bourg une vie animée. L’aménagement de l’espace public peut également jouer un rôle moteur dans la redynamisation des bourgs.

Pistes d’actions envisageables :
- Redynamiser l’habitat en centre bourg. Accompagner les mutations du bâti pour s’adapter aux usages d’aujourd’hui.
- Créer du locatif en centre bourg en réhabilitant les maisons anciennes.
- Dynamiser le centre bourg par des équipements publics plutôt que de les délocaliser à l’extérieur du village.
- Réduire les surfaces ouvertes à l’urbanisation pour limiter les constructions à l’extérieur du bourg et ainsi renforcer l’occupation des maisons du centre ancien.
- Utiliser la rénovation d’îlots pour un projet de cœur de village : opération de logement social, installation de services…
- Donner accès à des parcelles de jardins autour du centre très dense pour les maisons anciennes sans terrain.
- Maintenir les commerces et les services en centre-bourg. Mettre à disposition des locaux communaux intra-muros pour des commerces, des services, des associations.
- Aménager les espaces publics pour donner une impulsion et changer les regards.
- Permettre l’évolution du bâti à la parcelle pour une adaptation aux modes de vie actuels.
- Valoriser le patrimoine bâti dans toute sa diversité.
- Favoriser des projets d’architecture innovants dans les centres anciens.
- Identifier et promouvoir les bonnes solutions de rénovation : percer des ouvertures, redistribuer l’espace, rénover la toiture, associer matériaux traditionnels et modernes… Créer des terrasses ou des jardins après démolition.




  Mettre en valeur les bourgs et leurs sites

L’établissement des villes et des villages a composé avec leurs sites d’implantations, révélant ainsi la géographie. Les formes urbaines se sont adaptées au site, en composant avec le relief (crête, versant, pied de coteau), la présence de l’eau (bord de rivière, confluence), la végétation (clairière) et les matériaux de construction (calcaire, granite, grès, bois). Cela a créé des ensembles reconnus et parfois considérés aujourd’hui comme patrimoniaux, même si des changements ont eu lieu (disparition des remparts, reconstruction, superposition…). Le maintien de cette harmonie avec le site constitue un enjeu important. De nombreux développements bâtis hétéroclites dans les dernières décennies ont fortement transformé les abords de villages et des bourgs. Quelques constructions mal positionnées suffisent à banaliser ou brouiller la qualité d’origine. Cela mérite une attention particulière lors du positionnement des extensions urbaines. La hiérarchie des masses bâties, le maintien de la silhouette groupée du village, les liaisons avec l’existant… sont autant de points de vigilance, garants d’une qualité paysagère. L’enjeu est de se développer tout en continuant à valoriser l’originalité du site. Outre la structure du village et ses particularités internes, la composition avec le relief, le maintien de belvédères, la gestion de la végétation et des espaces agricoles alentours, constituent les clés pour faire perdurer ces paysages urbains remarquables.

Pistes d’actions envisageables :
- Mettre en valeur les sites d’implantation des villages et des bourgs. Révéler les particularités du site (crête, versant, fond de vallée). Valoriser les éléments singuliers qui donnent au bourg son côté unique (belvédère, place centrale, bord de rivière…).
- Prendre en compte la dimension « urbaine » du patrimoine dans les documents de planification, pas seulement l’architecture. C’est aussi la composition d’ensemble, qui fait « patrimoine ».
- Respecter l’échelle du village et sa silhouette dans son développement. Préserver la silhouette groupée des villages et des bourgs. Harmoniser le développement en fonction du relief. Maitriser les développements urbains sur les versants et en pied de relief, particulièrement visible aussi depuis les hauts des villages perchés. Prendre en compte la forme urbaine du village et son site dans les projets d’extension.
- Respecter la hiérarchie des masses bâties. Eviter les juxtapositions ou les vis à vis malencontreux pour les constructions ou les zones de développement. Etre vigilant sur l’emplacement, les volumes et les couleurs des nouvelles constructions. Veiller à l’impact paysager des bâtiments agricoles en périphérie.
- Renforcer le centre bourg plutôt que d’éparpiller des constructions dans les hameaux ou le long des routes. Composer les extensions avec le centre ancien. Dynamiser les centres des villages pour inciter à la restauration des habitations.
- Empêcher le mitage des environs du village.
- Soigner les parcelles agricoles et de jardins formant l’écrin du village ou du bourg. Limiter l’enfrichement des versants. Dégager la végétation aux abords des villages pour conserver leur lisibilité.
- Porter une attention particulière aux routes d’accès et aux entrées.
- Gérer les périphéries des villages : plantations, chemin de tour de village, abords du cimetière…




  Mettre en valeur le patrimoine bâti isolé

Le département de la Dordogne comporte un important patrimoine bâti remarquable, à préserver et valoriser. Les nombreux châteaux imposants, avec de fortes covisiblités, constituent des emblèmes majestueux maintes fois montrés dans les dépliants touristiques. Ils bénéficient souvent de protections mais qui ne doivent pas faire oublier que le paysage qui les entoure mérite une attention particulière pour préserver leur singularité. Un riche patrimoine bâti rural de fermes, moulins, séchoirs ou pigeonniers par exemple, ponctue également la campagne et constitue autant d’éléments de découverte et d’intérêt au détour des routes et chemins. On peut citer également l’importance du petit patrimoine : fontaine, lavoir, source, mail, pont, calvaire … qui viennent qualifier les itinéraires de randonnées. Toutes ces composantes patrimoniales méritent d’être reconnues, inventoriées, préservées… La pérennité et le respect au fil du temps de ce patrimoine participe grandement à la qualité des paysages de la Dordogne et méritent toute l’attention. De plus leur connaissance, mieux partagée par le plus grand nombre, ne peut que venir appuyer la valeur économique associée au tourisme.

Pistes d’actions envisageables :
- Valoriser le patrimoine bâti du village, sa singularité, son histoire. Prendre en compte et valoriser la diversité du patrimoine bâti, sans hiérarchie en fonction de l’ancienneté.
- Mettre en scène les sites bâtis notamment avec la gestion de la végétation et des accès.
- Inventorier et réhabiliter le patrimoine isolé : ferme, moulin, pigeonnier, séchoir... Poursuivre le travail de recensement et d’inventaire sur les secteurs non étudiés.
- Alimenter les sites d’information sur toutes les données patrimoniales. Restituer aux habitants la connaissance sur la valeur patrimoniale de leur village.
- Sensibiliser les propriétaires à l’intérêt du bâti et à la spécificité de son implantation. Impliquer les professionnels du bâtiment pour sauvegarder et valoriser cette diversité. Prendre en compte la variété des modes de construction ; repérer les spécificités pour éviter l’uniformisation.
- Accompagner les projets d’amélioration de l’habitat comme le font certaines collectivités aidées par le CAUE.
- Valoriser le petit patrimoine avec sobriété.




  Valoriser les espaces publics

Les espaces publics participent fortement à l’image et à la singularité du village, du bourg ou de la ville. Leur adéquation avec le bâti permet d’affirmer le charme et l’attrait du bourg. Lieux d’accueil et de découverte, ils sont incontournables de la vie publique, participant à fédérer une vie sociale riche et partagée. Place, avenue, boulevard, parc, belvédère, quai, rue, ruelle, allée, mail… chaque espace public participe à la qualité de vie de la commune et nécessite une grande attention dans son aménagement et son entretien.
De même le domaine public permet de relier le village à son entourage par des circulations douces ou par des espaces publics de transition (jardins communaux familiaux, vergers, tour de village…). L’espace public constitue aussi un formidable outil stratégique de développement et un moyen de recomposer des secteurs désorganisés en permettant de donner des points de repères (place centrale, esplanade, avenue, rue, passage, parc…) et de relier les opérations d’urbanisme à leur entourage. Aménager des espaces publics de qualité et en prévoir de nouveaux au fil des développements constituent donc des enjeux importants tant pour la vie quotidienne des habitants que pour l’accueil des visiteurs.

Pistes d’actions envisageables :
- Mettre en valeur les points forts identitaires du paysage (rivière, belvédère…) au cœur du projet de l’espace public.
- Mettre en valeur les places. Trouver un équilibre entre stationnement et convivialité des espaces publics.
- Trouver un vocabulaire simple mais de qualité pour les aménagements des espaces publics. Privilégier l’utilisation de matériaux locaux dans les aménagements.
- Affirmer les différences entre les espaces publics. Marquer la vocation des espaces.
- Adapter l’aménagement de la rue en fonction de sa composition urbaine : rue, boulevard, venelle…
- Aménager les entrées pour marquer une transition vers le village.
- Créer des liaisons, supports d’espaces publics, entre les quartiers nouvellement construits et plus anciens. Donner une place aux circulations douces. Créer des espaces publics structurants dans les nouveaux quartiers autour de la ville centre. Retrouver des centralités et des liens avec le centre ancien.
- Acquérir, le cas échéant, des « dents creuses » aux endroits stratégiques pour accueillir des espaces publics.
- Utiliser l’arbre à bon escient pour structurer l’espace des entrées (alignement) ou des places (mail). Trouver un équilibre entre minéral et végétal dans l’aménagement des espaces publics.
- Recomposer des espaces publics avec l’eau. Mettre en scène les façades urbaines sur la rivière. Valoriser le passage de l’eau comme fédérateur d’espaces publics.
- Aménager des espaces de transition entre ville et campagne. Aménager des tours de villages attractifs en complément du centre ancien. Prévoir des circulations douces en relation avec le centre bourg et sa périphérie.




  Aménager avec soin les zones d’activités

Les développements des zones d’activités et commerciales sont particulièrement prégnants à proximité de Bergerac et de Périgueux ou encore de Sarlat, mais aussi à des échelles plus restreintes en de nombreux points du territoire. Leur étendue, la forte taille des bâtiments et leur positionnement le long des voies, près des échangeurs, en entrée de bourg ou en périphérie des villes, voire parfois isolés, leur confère une forte visibilité.
Leur développement fait souvent appel à un mode d’urbanisation très spécifique, basé sur l’effet vitrine, l’accessibilité automobile et sur une composition architecturale et urbaine peu qualitative. La composition de ces lieux mériterait d’être réinterrogée pour évoluer vers une plus grande qualité urbaine. Le dynamisme économique de la commune est un atout s’il s’accompagne d’une qualité des aménagements et de l’architecture. Le positionnement de la zone d’activité et sa relation avec son entourage constitue également un enjeu. Elle pourrait devenir par exemple un quartier urbain en présentant une diversité d’usages et de cheminements. L’aménagement des espaces publics doit être structuré et hiérarchisé, avec un aménagement qualitatif au moins sur les voies principales, alliant simplicité et facilité de gestion. L’objectif est de favoriser une unité et un cadre commun vis à vis d’installations parfois hétéroclites, pour créer un projet d’ensemble harmonieux. L’enjeu est de concilier l’effet de vitrine pour les entreprises et le maintien d’une image qualitative de la ville.

Pistes d’actions envisageables :
- Bien choisir le lieu d’implantation des zones d’activités en se questionnant sur la perception de la silhouette du bourg depuis les routes d’entrée.
- Eviter les positions dominantes très visibles. Evaluer les concurrences visuelles.
- Eviter le développement linéaire sans épaisseur.
- Favoriser la réutilisation des parcelles désaffectées plutôt que la consommation de nouvelles parcelles. Requalifier l’ensemble de certaines zones existantes.
- Aménager les zones d’activités par un projet paysager de qualité. Penser son aménagement comme un quartier urbain qui forme la porte d’entrée du bourg. Adapter la zone à son contexte d’implantation (superficie, structure parcellaire, forme urbaine, végétation en place…)
- Imposer un plan de composition urbain et paysager. Préverdir pour gagner du temps. Prévoir une charte architecturale et paysagère.
- Prévoir, aménager et gérer les limites de la zone d’activité (transition) qui en constitue l’enveloppe.
- Placer les stockages et les stationnements à l’arrière des bâtiments ou en retrait des vues.
- Privilégier les bâtiments de teintes sombres et les matériaux non réfléchissants.
- Privilégier un alignement rigoureux des façades afin de structurer l’espace de la rue.
- Mutualiser les stationnements, notamment dans les zones commerciales.
- Utiliser des végétaux à l’échelle du bâti : planter des arbres de haut-jet pour structurer les voies. Planter les routes d’accès ou en périphérie.
- Privilégier la discrétion des clôtures lorsqu’elles sont nécessaires et les harmoniser.
- Réglementer l’affichage publicitaire et les enseignes.
- Aménager des circulations douces (piéton, vélo).




  Bibliographie paysage et urbanisme

Site internet

- Paysage et urbanisme durable
- La démarche Bimby
- Opération programmée d’amélioration de l’habitat- ANAH

Guides

- Les Orientations d’Aménagement et de Programmation du PLU- DHUP-2020
- Patrimoine de pays en Périgord – CAUE24

Plaquettes

- PLUi et Plan de paysage - Club PLUi - 2018
- Communes rurales valorisez vos espaces publics et économisez sur leur entretien. FN CAUE, 2012

Voir aussi