Les effets du changement climatique dans l’espace public

Notre climat se dérègle. Les épisodes de canicule sont plus fréquents et les températures estivales augmentent progressivement si bien qu’en 2100 les scientifiques ont estimé une hausse moyenne de 3°C. Dans ce contexte, le CAUE de la Dordogne a organisé des balades urbaines dans le cadre de l’élaboration du Plan Climat Air Energie porté par le SyCoTeB afin de visualiser concrètement les enjeux et les actions d’adaptation au dérèglement climatique dans le Bergeracois.

Rédaction et iconographie CAUE 24

Balade urbaine dans le Bergeracois pour découvrir les aménagements urbains anticipant les changements climatiques

Depuis plusieurs années, nous ressentons déjà les effets de la chaleur qui sont encore plus perceptibles en milieu urbain où les hausses particulièrement localisées des températures sont ressenties ; c’est « l’îlot de chaleur », sorte de micro-climat urbain. La ville concentre cette chaleur car elle est engendrée en grande partie par l’activité humaine et l’aménagement urbain (utilisation de bitume et autres revêtements routiers). Le GIEC (Groupe d’Expert Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat) a déclaré dans son rapport de janvier 2007 que l’homme est responsable à 90% de l’aggravation de l’effet de serre.

« Le changement climatique sur le Bergeracois se traduit par l’avancée d’une semaine des vendanges tous les 10 ans depuis plus de trente ans, témoigne M. Capuron responsable INAO Bergerac »

Autre phénomène marquant du changement climatique : les inondations. Les routes, les maisons, les parkings, etc… sont autant d’aménagements qui occasionnent la mise en place de revêtement imperméable et empêchent le fonctionnement naturel d’un sol (filtrer, infiltrer, évaporer ou restituer l’eau). Le choix des revêtements imperméables en plus de stocker la chaleur, amplifie le ruissellement des eaux et envoie l’eau souillée de polluants dans les rivières.
La balade urbaine est l’occasion pour les élus de découvrir des aménagements publics, des constructions d’équipements ou des détails de conception architecturale qui limitent les risques liés aux évolutions climatiques à venir (vagues de chaleur, inondations et sécheresse). Les villes doivent s’adapter à ce changement inéluctable du climat en repensant les espaces publics et l’architecture des infrastructures afin de lutter efficacement contre les îlots de chaleur et les inondations. La canicule de 2003 a été le déclic pour prendre en considération la nécessité d’aménager l’espace urbain en fonction de cette problématique contemporaine.

  L’effet de serre urbain en ville, l’îlot de chaleur

Relevés des températures en juin sur la place du Foirail à Bergerac puis au Jardin de Perdoux

Les îlots de chaleurs sont des « surchauffes » locales observées en ville ; plusieurs degrés de différence s’observent entre l’espace urbain et rural. Visuellement, ce phénomène est observable car la ville est entourée d’un voile blanc opaque. L’îlot de chaleur est formé par l’activité humaine, ses rejets en CO2 et la forte densité urbaine concentrés en un même lieu. Ce voile de pollution ainsi que la hausse des températures sont dus principalement aux gaz d’échappement des véhicules, aux centrales électriques, à la combustion d’énergies fossiles ou aux rejets industriels.
Les matériaux constituant la ville (béton, goudron, acier, etc) sont aussi responsables de la hausse des températures car ils stockent la chaleur et la restituent la nuit. Ainsi, en période de canicule, la ville conserve une température élevée le jour comme la nuit. Cette différence des températures entre les revêtements de sol a été observée à Bergerac en comparant la place du Foirail, très minérale et le jardin de Perdoux, espace ombragé par les arbres. La place est un parking entièrement goudronné de 1,4 ha. Sans arbre et sans ombrage, cet espace est un lieu de surchauffe en plein été. Au jardin de Perdoux, au contraire, l’ambiance est tout autre. Sous l’ombre des arbres, la lumière et la chaleur est plus supportable. Pour endurer la chaleur en ville, les habitants ont tendance à installer des climatiseurs mais ils engendrent eux aussi de la chaleur et augmentent le phénomène d’îlot de chaleur. Un cercle vicieux s’est installé.

  La goutte d’eau se transformant en torrent

Evolution du bourg de Biras de 1950 à 2014

Les terres agricoles, les parcs, les friches, les jardins de particuliers sont supprimés au fur et à mesure de l’augmentation démographique en ville pour construire de nouveaux habitats, des routes ou des commerces. La demande croissante en logement combinée à l’étalement urbain provoque l’imperméabilisation des sols ; c’est à dire le remplacement de la terre naturelle par un revêtement imperméable. La terre perd alors définitivement ses pouvoirs de régulation, de filtration ou de restitution de l’eau. Ainsi en cas d’orage, l’eau de pluie ruisselle et le simple filet d’eau se transforme en torrent. Puissant, il détruit tout sur son passage.
Les canalisations d’eau de pluie, de grand diamètre pour supporter un afflux massif pendant une courte période, rejettent leur contenu dans les rivières provoquant ainsi un débordement de leur lit.



  L’arbre un « climatiseur » pour nos villes et nos bourgs

Un chêne pédonculé, arbre maître de la cour apportant de l’ombre sur les bâtisses. Firbeix

En Dordogne, le corps de ferme était souvent accompagné d’un arbre maître. Chêne, châtaignier, tilleul ou marronnier poussaient dans la cour. Ces grands arbres caducs permettaient de créer un ombrage dans la cour pendant la période estivale lors des travaux agricoles qui pouvaient s’y dérouler ; l’arbre procurait ainsi une fraîcheur ainsi que, selon les espèces, des fruits et du bois utiles pour le quotidien. La haie avait ce même rôle d’adoucir l’air dans les champs et les pâtures en procurant de l’ombre pour les animaux mais aussi en agissant comme un brise vent, limitant les dégâts du vent sur les cultures. La plantation des arbres prend de l’importance au XVIIIe et au XIXe siècle, pendant la période hygiéniste. Les arbres sont plantés le long des grands axes ou en mails sur les places dans le but d’ouvrir la ville pour assainir l’air.
Mais l’arrivée progressive de la voiture et le revêtement de voirie ont limité au fur et à mesure la place du végétal dans les villes, aussi bien dans les grandes agglomérations que dans les petits bourgs. Les fosses de plantations rétrécissent et la place du végétal en général dans l’espace urbain est remis en question pour privilégier les espaces goudronnés sans entretien. L’arbre, se développant aisément auparavant, est restreint dans les espaces résiduels des aménagements. Lorsqu’il est planté, il est contraint dans une fosse de plantation de 1m3 pour vivre. Coincé entre les différents réseaux et les couches imperméables, l’arbre peut difficilement trouver de quoi s’alimenter. Il a pourtant besoin d’eau, de nutriments et de la présence de champignons et de bactéries mais les surfaces imperméables empêchent tout échange avec son environnement immédiat. De surcroît, ils sont souvent taillés sévèrement pour leur donner des formes particulières ou le plus souvent pour laisser passer les poids lourds et les réseaux aériens. Leur durée de vie est abrégée. Ainsi pour vivre en ville, l’arbre doit posséder de nombreuses qualités ; tout d’abord des critères physiques : un tronc droit, un houppier haut et équilibré et il doit se développer rapidement. Il doit également être résistant : à la taille, à la pollution et aux maladies et ne doit ni être toxique, ni disperser trop de pollen. Son emplacement est souvent à l’endroit où il gène le moins où dans le but de cacher un bâtiment.

Il est un « outil » important de lutte contre le changement climatique. Il permet de diminuer l’impact des gaz à effet de serre, il stocke du carbone pendant sa vie, permet l’infiltration des eaux pluviales, peut capter certains polluants... et offre un patrimoine qualitatif pour la ville.
Sa place doit être repensée dans les aménagements urbains. Une canopée d’arbres matures peut diminuer la température de 3° d’une zone qui serait sans arbre. En effet, les rayons du soleil sont dans un premier temps réfractés puis pour ceux restant, absorbés à 50% par le feuillage. L’ombre peut être différente en fonction de l’essence car la densité de la ramure ou la finesse du feuillage vont procurer un ombrage doux ou très opaque. En plus de baisser la température par l’absorption du rayonnement solaire, l’arbre transpire et rejette de la vapeur d’eau permettant de refroidir l’air. Il faut rajouter aussi ses autres atouts, ceux de stockage de carbone, d’aide à l’infiltration d’eau pluviale, à la captation des polluants, la production d’oxygène ou d’habitat de la faune.

Le temps de développement du végétal étant différent du notre, c’est aujourd’hui qu’il faut réfléchir et agir pour notre ville du future incluant l’arbre afin d’anticiper l’état climatique projeté en 2100. Les aménagements urbains actuels doivent prendre en compte l’introduction du végétal en ville pour embellir et rafraîchir les centres mais aussi pour s’adapter à l’inéluctable changement climatique.

  Sources

- Adaptation des villes au changement climatique.
- L’arbre, emblème d’un écosystème urbain fertile. L’exemple de Brive-la-Gaillarde. TPFE de Claire Labro
- L’urbanisme durable, concevoir un écoquartier. Editions Le Moniteur, 2009. 295 p. Catherine CHARLO-VALDIEU et Philippe OUTREQUIN.

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