Le patrimoine de pays dans ses paysages

Rédaction et iconographie CAUE 24

Sans doute, avez vous découvert un jour dans votre commune une croix, un puits ou un lavoir, se mêlant si bien au décor que sa présence vous est apparue tardivement…
Moulins, puits, citernes, fontaines, sources, lavoirs, fours à pain, clédiers, croix, monuments aux morts, halles, statues, cabanes, porcheries, poulaillers, pigeonniers ou murets sont de véritables trésors à dénicher dans notre environnement. Ils sont partout ; autant sur une place qu’au milieu d’un champ. Ces petits édifices ont une relation étroite avec leur paysage, ils matérialisent un morceau d’histoire, de coutume, de croyance religieuse, de géologie, d’occupation du sol spécifique à un lieu. Ils participent à la définition de l’identité propre d’un territoire.

Puits dans le bourg de Ribérac

Ce patrimoine de pays a été bâti avec autant de soin que l’habitation, révélant son importance dans la vie quotidienne. Les pierres constituant la maçonnerie ont été extraites directement du sous-sol ; la grande diversité géologique de la Dordogne explique la variété des couleurs de la maçonnerie. Entre le Nord du territoire aux roches magmatiques et métamorphiques et le Sud aux roches sédimentaires, elles varient du gris au blanc crayeux en passant par des ocres jaunes ou encore des rouges.

Jusqu’au milieu du XXe siècle, la majorité de la population vivait de la terre. Ayant peu d’échanges avec l’extérieur en raison du faible développement des réseaux de communication, la Dordogne est marquée par son agriculture vivrière. Celle-ci a engendré la construction de différents édifices répondant à la diversité des pratiques agricoles.

  Le patrimoine de pays lié à l’eau

Puits carré non couvert. Condat-sur-Trincou
Puits rond et piliers en pierres supportant une toiture en tuiles plates. Montagnac-la-Crempse

L’eau, si précieuse, devait être collectée et protégée par un aménagement autour des sources ou par la construction de puits et de citernes. Diversement répartis sur le département, certains secteurs de la Dordogne sont plutôt équipés de puits et d’autres de citernes. Le puits est un captage d’eau souterraine stocké dans le sous-sol. Les roches sédimentaires telles que le calcaire sont perméables et laissent s’infiltrer l’eau jusqu’à des cavités. Le bassin sédimentaire aquitain composant les trois quarts de la Dordogne, les puits sont donc préférentiellement utilisés. Par contre, au Nord de la Dordogne, les roches imperméables du Massif Central dominent et l’eau, sans retenue, ruisselle. Des citernes ont donc été construites dans les fermes pour récupérer les eaux de pluies tombant sur les toitures des bâtiments agricoles.
La construction de petits édifices évitait à d’éventuels débris de souiller l’eau ; ils pouvaient également être couverts par un toit afin de limiter l’évaporation du précieux liquide.

Lavoir de rivière couvert à Ribérac, les lavandières peuvent travailler debout
Lavoir le long d’un cours d’eau à Eymet

Boire, cuisiner, se laver, abreuver les bêtes, arroser les plantations… les usages étaient multiples ; ainsi les sources bâties pouvaient être prolongées par un lavoir ou par des abreuvoirs. Ces constructions étaient le plus souvent communes et devenaient des lieux de rencontre et d’échanges notamment dans les bourgs. Les femmes se retrouvaient au lavoir construit le long d’une rivière, au départ d’une source ou alimenté plus tard par l’adduction d’eau. Il pouvait être très sommaire avec une simple planche calée entre deux pierres pour limiter l’écoulement de l’eau ou plus recherché avec une bordure rehaussée et une toiture pour le confort des lavandières.

  Les cabanes ponctuent les paysages de la Dordogne

Cabane avec une toiture en lauze. Marquay

De tailles et de formes variées, elles sont issues de l’épierrage des champs lors du passage de la charrue pour préparer les sols aux nouvelles cultures. Levées par le passage de l’outil, les pierres étaient ensuite ramassées et mise le long des limites parcellaires. Leur emploi fut vite trouvé en les utilisant pour la construction de murets ou d’abris pour les paysans en dehors des parcelles cultivées. Dimensionnées en fonction de l’usage, les cabanes servaient à entreposer des outils, se protéger des intempéries ou pour les plus grandes à séjourner quelques jours. Aujourd’hui leur présence nous évoque le paysage environnant d’antan composé de céréales et de vignes. Les vignobles ont été implantés massivement à la fin du XVIIIe et durant le XXe siècle. Demandant une main d’œuvre régulière, les paysages de vignobles étaient accompagnés de ces petites cabanes pour abriter les travailleurs.
Comme les autres édifices, construits avec les matériaux pris sur place, les façades révèlent le sous-sol. En fonction de la nature de la roche utilisée, l’architecture varie. Le toit, par exemple peut être réalisé en lauze grâce au calcaire dur du Jurassique qui se délite en plaquettes.
Aujourd’hui les cabanes se retrouvent au milieu de la parcelle cultivée, noyée dans la végétation, ou sur les parcelles constructibles, preuves de l’évolution des limites parcellaires et de l’occupation du sol.

  Le pigeonnier, isolé ou inséré dans le bâti

Pigeonnier isolé dans une prairie, probablement occupé par des vignobles il y a plusieurs siècles. St-Félix-de-Reillac-et-Mortemard
Fuies sur une façade de grange. Carves

Les anciens paysages de vignobles étaient également ponctués de pigeonniers. Isolés au milieu des parcelles ou accolés aux bâtiments de la ferme, ils étaient le signe de la richesse d’un domaine. La construction de ces bâtiments était un privilège féodal. La taille de l’édifice était proportionnelle à la surface cultivée du domaine ; il était accordé deux boulins [1] à l’hectare. Les imposants pigeonniers que nous voyons aujourd’hui sont les marqueurs de la richesse d’un château ou d’un domaine. De multiples usages étaient liés au pigeonnier. La fiente collectée, engrais extrêmement riche, était épandu sur les cultures exigeantes (le chanvre, le lin, les fruitiers ou la vigne). Le pigeon, très prolifique, peut couver 5 à 7 nichés par an. Ainsi le pigeonnier étaient un véritable garde manger de viande fraiche pour le seigneur. Les nombreux avantages des pigeonniers furent accordés à l’ensemble du peuple après la Révolution. Si bien que les granges du Périgord ont été percées sur leur façade Est ou Sud, de fuies.

  Quel patrimoine créons-nous pour demain ?

Un abri à insecte, un nouveau patrimoine de pays ? St-Pierre-de-Frugie
Cabine téléphonique transformée en boîte à livres

Le patrimoine de pays correspond à la matérialisation par un bâtiment d’un besoin lié à une occupation du sol, un sous-sol, à une économie… Aujourd’hui, nous réutilisons certains édifices pour leur usage d’origine ou pour une autre fonction. Mais, nous créons aussi le patrimoine de demain qui correspond également à cette relation étroite avec notre paysage et nos préoccupations contemporaines.

  Source

Patrimoine de pays en Périgord. CAUE 24, 2000. 68 p.

[1nichoir à l’intérieur du pigeonnier