Evolution urbaine de la ville de Nontron

A l’extrême Nord du département de la Dordogne, la commune de Nontron est le chef lieu du Périgord Vert. Le relief plus haut est plus marqué qu’au Sud du département et le paysage se caractérise par des vallonnements, des boisements denses et des vallées encaissées et sinueuses. La ville de Nontron est située sur un promontoire rocheux. Cet emplacement spécifique a été choisi depuis la préhistoire par l’homme comme en témoignent les traces d’occupation datant de cette ère. L’endroit est stratégique : la hauteur et l’étroitesse de l’éperon rocheux permettaient de voir l’ennemi et de défendre au mieux la ville. Le passage du Bandiat en contrebas permettait les échanges par voie fluviale tout en servant de frontière avec les environs.

Rédaction et iconographie CAUE 24

Nontron surplombant la vallée du Bandiat

  Un site défensif

Ainsi, un oppidum gaulois fut construit sur la pointe de l’éperon rocheux. Cette protection topographique naturelle sur trois des côtés fut renforcée au Nord par un large et profond fossé protégeant ainsi le site de toute part. Plus tard, Nontron devient une petite ville gallo-romaine installée sur l’emplacement même de l’oppidum. Puis, au VIe et VIIe siècles, les Francs firent de Nontron un castrum qui continua à se développer en optimisant les atouts géographiques et topographiques du site. Ainsi, la citadelle romaine fut conservée et agrandie de deux groupes d’habitations, l’un dans la pente abrupte à l’Est en dessous des murs fortifiés et l’autre au Nord suivant la ligne de crête. Puis, l’urbanisation évolua vers l’Ouest pour former le quartier du Fort en contrebas de l’ancien château (aujourd’hui plus visible car car de nouvelles bâtisses ont été reconstruites au même emplacement au XVIIIe siècle). Le castrum fut donné en 785 aux moines de Charroux par le Comte de Limoges. Ceux-ci initièrent le développement du tissu urbain sur l’éperon rocheux par de nouveaux bâtiments religieux. En effet, au IXe siècle, la place Agard (ancienne place Cahue mais aussi ancien emplacement du cimetière du castrum) était bordée par un couvent de Bénédictins, l’église St-Sauveur et une aumônerie (actuel Hôtel de ville de Nontron). La rue reliant le castrum à ces nouveaux bâtiments religieux fut ceinturée de nouvelles habitations.
A la fin du XIIe siècle, les troupes anglaises de Richard Cœur de Lion saccagèrent par deux fois la ville de Nontron. Le Comte de Limoges fit alors rebâtir les fortifications et de nouvelles constructions s’installèrent à l’Est de la ville, toujours sur les hauteurs.

Une ville construite en lien avec sa topographie
Extrait du rapport de présentation de la ZPPAUP de Nontron
Evolution chronologique de la ville de Nontron du plus foncé au plus clair
Extrait d’une carte du rapport de présentation de la ZPPAUP de Nontron

  La ville basse

Ce n’est qu’à partir de la fin du XIIIe siècle que la ville basse de Nontron fut construite en dehors des anciennes fortifications du castrum. Ce nouveau quartier s’installe dans un vallon encaissé, créé par un petit cours d’eau rejoignant le Bandiat : le Merdanson (non peu flatteur démontrant l’usage de ce ruisseau comme égout). Au départ, des petites habitations bordaient le ruisseau, puis à l’arrivée du couvent des Cordeliers en 1267 sur les hauteurs de la colline Ouest, l’urbanisation s’accéléra. La rue le long du Merdanson, portait le nom de rue des Etanches, signe que des tanneries étaient présentes car le ruisseau était alors coupé par des petits barrages permettant le nettoyage des peaux. Puis, des voûtes ont ensuite été construites au-dessus du Merdanson pour y accueillir de nouvelles habitations. La rue des Etanches fut alors renommée au XVIIIe siècle en rue des Arceaux.

Plan de la ville de Nontron au XVIIIe siècle, réalisé par Jacques Lémeri. Source : Mairie de Nontron
Plan de la ville de Nontron au XIXe siècle, réalisé par Jacques Lémeri. Source : Mairie de Nontron

L’urbanisation se poursuivit ensuite le long des voies au Nord, au Sud et à l’Est entre le XVIe et le XVIIe siècle.

  Une géologie particulière

Nontron se situe à une frontière géologique entre le Bassin Aquitain et le Massif Central

Nontron est située à la rencontre entre le socle magmatique et métamorphique du Massif central et le socle sédimentaire du bassin Aquitain. La réunion de ces deux grands types de sous-sol a formé une diversité importante de roches (calcaire, granit, marbre, gneiss…). Ces caractéristiques de sols différentes ont permis de produire plusieurs cultures : seigles et châtaignes sur les sols métamorphiques et magmatiques ; blés, vignes et noix sur les sols calcaires. Cette richesse a permis à Nontron de devenir un centre d’échange important et au Bandiat de devenir un axe commercial vers la Charente. Le questionnaire de Cyprien Brard du XIXe siècle témoigne de la richesse des cultures présentes sur la commune de Nontron.

  Les forges du Nontronnais

Mais Nontron n’est pas uniquement connue pour ses marchés. Ainsi dès le XVIIe siècle, les forges jalonnant le Bandiat depuis sa source étaient reconnues pour la qualité de leurs métaux. Tous les éléments naturels étaient présents et ont fait la reconnaissance des forges du Nontronnais. Le minerai de fer, le calcaire, le sable étaient extraits du sol. Le bois de châtaignier était coupé en masse pour alimenter le feu des forges et l’eau du Bandiat était reconnue comme pure. Les noms des lieux-dits tels que « les fourneaux » ou « les farges » démontrent la présence de cette ancienne industrie dans le paysage Nontronnais. Les taillis de châtaigniers exploités disparaissaient progressivement du paysage. Si bien que les premières lois de gestion de la forêt apparurent à cette époque pour garantir la pérennité de la ressource. Les forges du Nontronnais produisaient jusqu’au XIXe siècle des outils agricoles, des canons, des cloches etc… La présence du Bandiat permettait d’échanger directement avec les départements voisins, notamment avec la Charente Maritime dans le but d’alimenter l’Arsenal de Rochefort en canons pour les navires de la Marine Royale (les forges de Javerlhac fournissaient des gros canons grâce à leurs hauts fourneaux). Les accords de libre-échange ont eu pour conséquence d’éteindre définitivement les hauts fourneaux. Aujourd’hui, les seules traces dans le paysage des forges ou des anciennes mines sont les étangs témoins de ce passé historique.
Après les forges, la principale industrie était celle des tanneurs et des pelletiers. Au XIXe siècle, les cuirs de Nontron étaient considérés de qualité supérieure à ceux des départements voisins, cette supériorité était en partie due à la qualité des eaux du Bandiat. On dénombrait alors quatorze tanneries à Nontron.
La prospérité industrielle, jugulée à l’arrivée de la voie ferrée Angoulême-Nontron, avait attiré de nombreux habitants et les équipements s’étaient multipliés : écoles, foires et marchés locaux.

  L’extension urbaine du XXe siècle

Affiche de la fête du couteau à Nontron. Source : mairie de Nontron

Avec les accords de libre-échange commerciaux, l’artisanat périclite ou doit évoluer pour perdurer. Ainsi l’artisanat du cuir se spécialise dans les produits de luxe. Face à ces difficultés économiques, la ville de Nontron a relancé au XXe siècle d’autres filières telles que le couteau. Preuve de la qualité du savoir-faire de ce territoire, des journées « rue des métiers d’arts » sont organisés depuis 2009 pour promouvoir les artisans d’art de Nontron.

Aujourd’hui le paysage est tout autre que celui d’antan : forges, moulins, vallées du Bandiat et du Merdanson sont cachés par les bois ou le tissu urbain. Les taillis de châtaigniers servant à l’alimentation des forges ont poussé et ont recouvert le relief abrupt, ainsi atténué par les houppiers des arbres.

Vue sur Nontron depuis l’hôpital

  Sources

- Histoire des rues de Nontron. Mairie de Nontron.
- Enquête de Cyprien Brard. Archives départementales de la Dordogne

Voir aussi