La culture de la fraise en Dordogne

Alors que d’autres départements se sont spécialisés assez tôt dans certaines cultures agricoles, la Dordogne a conservé jusqu’au XIXe siècle son modèle traditionnel. La population, majoritairement paysanne, cultivait de tout. Le paysage était marqué par une agriculture vivrière où chacun possédait quelques bêtes, des parcelles de céréale, de verger et de vigne. Cette économie agricole pauvre s’est peu développée en raison des faibles échanges avec les départements voisins. Les routes étaient peu entretenues et les rivières n’étaient navigables que sur une courte période de l’année. La Dordogne coupée des échanges extérieurs, a lentement fait évoluer son modèle agricole vivrier.

Rédaction et illustration CAUE 24

Tunnels de fraisiers. Fouleix

  Fin XIX ème : les premières cultures

Jusqu’à la fin du XIXe siècle, le paysage était donc composé d’une multitude de cultures qui s’entremêlait. Ainsi, c’est entre les rangs de vignes que les premiers plans de fraisiers trouvèrent leur place, en 1895. Cette culture familiale permettait de rentabiliser un peu plus les parcelles.
La fraise a été plantée plus massivement après la Première Guerre mondiale, introduite par des immigrés bretons qui cultivaient la fraise depuis le XVIIIe siècle. Progressivement, les plants de fraisiers ont été multipliés et deux grands secteurs de la fraisiculture sont apparus : autour de Saint-Estèphe (à proximité de Nontron) et autour d’Eglise-Neuve-de-Vergt (à proximité de Vergt). La plante est exigeante et ne peut pas croître partout. Elle affectionne particulièrement les sols argilo-siliceux, sorte de placage issu du Tertiaire déposé sur un socle calcaire plus ancien. Ces dépôts ont une composition spécifique mêlant argile, sable fin et graviers. Le sol a un pH légèrement acide, il doit être drainant mais frais et surtout riche. En effet, la culture de la fraise nécessite un fort apport en matière organique, car très gourmande, elle épuise vite les sols. Au bout de 4 à 5 ans, la parcelle est appauvrie et il faut cultiver à un autre endroit. Ainsi les boisements de châtaigniers, au sol riche, sont défrichés pour laisser place à de nouveaux champs de fraises.

  Vers 1950, la fraisiculture se spécialise

Préparation du champs de fraises en pleine terre. Le paysage est composé de tunnels blancs et de bois. Eglise-Neuve-de-Vergt
Etang et sa station de pompage permettant l’irrigation des serres de fraises. Lacropte
Aire Géographique de l’IGP fraise du Périgord. Source :INAO

La fraisiculture proprement dite commença réellement après la Seconde Guerre mondiale. C’est dans le canton de Vergt que la culture s’intensifie plus particulièrement ; si bien qu’un négociant, M. Maury, organise la collecte régulière des fruits rouges pour leur revente. Les paysans changent de production pour se spécialiser progressivement dans cette nouvelle culture attractive. Le paysage est modifié totalement : les forêts de châtaigniers sont défrichées, des tunnels en plastique blanc couvrent le sol et des étangs sont creusés pour irriguer les champs. La création de différentes variétés a permis d’allonger la période de récolte des fraises et d’installer une réelle économie agricole. Entreprises de fournitures, revendeurs et même arrivée d’une main d’œuvre étrangère s’installent dans le canton.
La fête de la fraise voit le jour à Vergt en 1969 où une immense tarte à la fraise est confectionnée. Petit à petit, la fraise du Périgord se fait un nom jusqu’à Paris. Ce boum du fruit rouge continuera jusqu’à la fin du XXe siècle ; 24 700 tonnes de fraises sont produites en 1990.
La spécificité de la production de la fraise en Dordogne a permis de créer une IGP (Indication Géographique Protégé) « fraise du Périgord » en 2004 dans le but de valoriser la fraisiculture.


  Depuis 2000 : le développement des cultures hors-sol

Les fraises cultivées hors-sol. Eglise-Neuve-de-Vergt

Depuis une vingtaine d’années, la culture hors-sol se développe. Aujourd’hui près de la moitié des fraises est cultivée sur des sacs de substrats posés au sol ou surélevés. Cette dernière pratique évite aux ramasseurs de se baisser. Les bois ne sont plus défrichés, les sacs de substrats sont changés. La mise en place d’insectes auxiliaires dans les tunnels limite l’arrivée de maladies et de nuisibles et réduit l’utilisation de produits chimiques.
Aujourd’hui la production atteint 7500 tonnes de fraises produites par an en Dordogne, récoltées par environ 200 fraisiculteurs.

Le paysage est le reflet de notre mode de vie et de notre façon de consommer. Autrefois fermes vivrières, les exploitations ont évolué pour répondre à la demande des consommateurs et profiter d’une opportunité de développement économique. Ici, à Vergt sur les sols propices, la fraise a été le moteur d’une nouvelle économie et la création d’un nouveau paysage. Et demain, quel paysage observerons nous ?

  Sources

- Les produits des terroirs : la Fraise du Périgord IGP. Esprit d’ici.
- IGP fraise du Périgord
- Un bilan économique du Périgord en 1960. Revue géographique des Pyrénées et du Sud Ouest, année 1962. Pp.385 à 394. PIJASSOU, René. Chambre agriculture

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