Les bois en Dordogne

La forêt périgourdine couvre aujourd’hui près de 45 % du département de la Dordogne. La majorité des essences forestières est composée de feuillus ; chênes et châtaigniers en sont les deux principales. Elément identitaire dans les paysages de la Dordogne, l’arbre est visible sous toutes ses configurations, en isolé comme en massif forestier. Les appellations Périgord Vert et Périgord Noir, dont le nom est issu du feuillage des forêts, témoignent de la présence des arbres sur le territoire.
Les forêts racontent une histoire en Dordogne, car elles sont liées à des pratiques anciennes : feuillardiers, charbonniers, anciennes châtaigneraies, noyeraies etc…

Rédaction et iconographie CAUE 24

Carte de Cassini, présence de nombreux boisements sur certains secteurs, ici celui de Mareuil. Vert foncé : boisement feuillus en général de chênes, en vert kaki : boisement de châtaigniers
Taillis de châtaigniers à Audrix

Les cartes de Cassini, datant du XVIIIe siècle, révèlent la présence des bois anciens, encore occupés par la végétation aujourd’hui : Bois de Beaussac, de Rudeau, de Jovelle ou encore Forêt de Lanmary, de Beauregard ou du Vern. L’existence de ces bois pouvait être liée à la présence de châteaux car ils servaient de parc de chasse pour le châtelain. Ils poussaient également sur toutes les terres inexploitables par pour les cultures. Les sols médiocres, tels que les dépôts détritiques du Tertiaire, composés de sables et d’argiles formant un sol pauvre et acide, ne pouvaient être cultivés. La mauvaise qualité du sol sur les hauteurs et la forte présence de châteaux expliquent la part importante de bois dans le département pour l’époque. Il était un élément paysager important de nos territoire, bien qu’il ait été utilisé massivement comme matière première pour de nombreux métiers qui le travaillaient et vivaient de son exploitation. Dans les habitations, il était utilisé pour le chauffage mais aussi dans la confection des meubles et des ustensiles du quotidien. Le bois était si précieux que, voler du bois mort était un délit.
Le châtaignier, arbre identitaire des sols acides et pauvres, permettait de nourrir homme et animaux par ses fruits. Crus, cuits au four, bouillis ou moulus, ils étaient la base de leur alimentation. Il fut ainsi nommé l’arbre à pain.
La végétation des sous-bois était utilisée pour la litière des animaux dans les étables. Bruyères ou fougères remplaçaient la paille. La forêt est donc une véritable ressource pour les hommes, du tronc au fruit tous trouvaient une utilité.
« Le paysage forestier est en Périgord plus qu’un décor, il est l’élément déterminant de l’économie. Le bois intervient à tous les stades du travail et de la subsistance sans oublier son rôle commercial éminent. [1] »

  Les feuillardiers

Cabane d’un feuillardier
Source : www.sarlat-tourisme.com

Le feuillardier était un métier courant en Dordogne. Quelques rares représentants travaillent encore en Dordogne. Ces hommes fabriquent des feuillards, sorte de longues lattes issues du découpage dans la longueur de jeunes branches de taillis de châtaigniers. Ce bois découpé en lamelle servait notamment à la confection de tonneaux pour les vignobles du Bordelais ou ceux du Charentais transportés autrefois sur les voies navigables de la Dordogne ; mais les lattes servaient également à la création de piquets, de paniers ou de pièges à poisson. Le bois du châtaignier est naturellement imputrescible et s’adapte ainsi parfaitement à toutes ces utilisations. De plus, utilisé jeune dans les taillis de châtaigniers, il peut facilement être tordu sans se briser. Lors de la confection de tonneaux, les lattes de bois de châtaigniers servaient à bloquer les lames de bois jointes. Avec l’apparition du cerclage en métal, le feuillard ne servait qu’à protéger le tonneau durant le transport, notamment lorsqu’il était roulé. Pour travailler, Les feuillards s’installaient là où se trouvaient les taillis de châtaigniers. Ils établissaient une petite hutte en bois afin d’y séjourner à l’abri pendant toute la durée du travail.

  Les charbonniers

Métier indispensable d’autrefois, le charbonnier transformait le bois en combustible pour alimenter différents foyers, notamment ceux des forges. L’homme cherchait en forêt de châtaigniers, un endroit plutôt plat afin d’y édifier un empilement de bois. Disposés les uns contre les autres autour d’un axe central sur plusieurs rangées, le tas de bois agencé était ensuite recouvert d’une épaisse couche de terre afin de garantir son étanchéité. Une cheminée étroite était laissée au sommet. Le foyer était ensuite allumé par l’introduction de braises rougeoyantes et de charbon jusqu’à son sommet. Le tas de bois se consumait ainsi plusieurs jours sous la surveillance du charbonnier. L’empilement précis des branches disposées, permettait au bois de se consumer progressivement et régulièrement. Lorsque les flancs de la meule étaient affaissés par la combustion du bois, le charbonnier étouffait ensuite la meule avec de la terre afin d’arrêter le processus de carbonisation. Il ouvrait ensuite le tertre afin d’y extraire le charbon. C’est au XVIIIe et au XIXe siècles que la consommation de charbon fût la plus forte ; en parallèle à l’essor des forges sur le territoire. Elles consommaient tellement de charbon, qu’il a fallu créer les premières lois de gestion forestière afin de pérenniser la ressource en bois.

Ancienne charbonnière faite par empilement de bois couvert de terre
Une charbonnière plus récente

La méthode de charbonnière éphémère a été remplacée au XXe siècle par l’utilisation de four métallique au rendement plus important et au travail moins pénible.

Aujourd’hui, malgré son exploitation intensive pendant plusieurs siècles, la forêt a recouvert une grande partie du territoire de la Dordogne. Les peuplements varient en fonction du sol mais la présence de chênes et de châtaigniers est toujours importante. Pins maritimes, pins sylvestres ou douglas sont également observables dans certains secteurs spécifiques du département. Des scieries exploitent cette ressource en bois ; cependant, la forêt est difficile à exploiter. Une très grande majorité des forêts est privée et les parcelles sont morcelées.
Suite aux héritages successifs, les forêts font généralement moins d’un hectare. La question de l’exploitation de l’ensemble de ces micro-parcelles boisées se pose.
L’absence de gestion des peuplements provoque une fermeture progressive des panoramas : falaises, points de vue lointains, relief… sont camouflés par le feuillage. Les plantations plus contemporaines telles que les noyeraies, peupleraies ou truffières amplifient les surfaces boisées dans les vallées et les coteaux calcaires. Le changement des modes de gestion des forêts peut modifier notre paysage pour demain en gérant l’ouverture des falaises enfrichées, des points de vue depuis les sentiers de randonnée ou encore depuis les belvédères naturels.

  Sources

- DEFFONTAINES, P. Le "Pays au bois" de Belvès. Annales de Géographie, t. 39, n°218, 1930. pp. 147-158.
- PINAUD Anne-Marie. La forêt du Périgord et son poids économique. Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest, tome 47, fascicule 1, 1976. Population et économie en 1975. pp. 61-83.

[1La forêt périgourdine au XVIIIe siècle : une forêt menacée ? Annales du Midi, année 1983, pages 373 à 389

Voir aussi