Perceptions culturelles du Périgord Noir
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A patrimoine exceptionnel, ensemble de protections [1] et de représentations non moins exceptionnelles : dans l’imaginaire collectif, et plus particulièrement touristique, le Périgord Noir évoque souvent à lui seul le Périgord tout entier, et par extension tout le territoire départemental. Les paysages de la vallée de la Dordogne et de la vallée de la Vézère à l’est du département sont des marqueurs identitaires très forts. Là se concentrent images de paysages et activités touristiques. Plus des trois quarts des 15 sites « incontournables » les plus visités [2] listés par le Comité départemental du tourisme sont situés dans le Périgord Noir, autour de Lascaux et de la vallée de la Vézère, de la vallée de la Dordogne, et de Sarlat. Ailleurs, au sud de l’unité, la pittoresque vallée du Céou ne fait l’objet que de peu d’images, comme à l’est, les hautes collines boisées, en limite du département du Lot.
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C’est dans cette gare aujourd’hui désaffectée qu’un espace d’exposition a été aménagé autour du travail du photographe Robert Doisneau. De nombreuses photos de la vallée de la Dordogne y sont exposées.
De ses premières vacances en famille et avec ses amis dans la vallée de la Dordogne en 1937 et jusqu’à la fin de sa vie, Robert Doisneau aura photographié les paysages de la vallée de la Dordogne qu’il qualifiait de « plus beaux paysages du monde ». Son attachement à ces paysages s’est matérialisé par un espace d’exposition consacré à ses photographies et à celles d’autres artistes, installé depuis quelques années dans l’ancienne gare de Carlux : une reconnaissance importante des paysages de la vallée par le regard d’un artiste de renommée internationale.
« Des fois, lorsque je trouvais un grand arbre sur la cime d’une haute butte, je montais jusqu’au faîte, et je regardais l’immensité des bois qui s’étendaient à perte de vue sur les plateaux, les croupes et les creux ravinés. Çà et là, dans une éclaircie, une maison isolée sur la lisière de la forêt, un clocher pointu au-dessus des masses sombres des bois, ou la fumée d’une charbonnière, flottant lourdement comme une brume épaisse dans les combes et les fonds. De tous côtés, presque, les puys, les coteaux et les vallons s’enchevêtraient et s’étageaient pour gagner les plateaux du haut Périgord, tandis qu’au midi, dans le lointain, au-delà de la Vézère, les grandes collines du Périgord noir fermaient l’horizon bleuâtre. »
Eugène Le Roy, Jacquou le Croquant, [1899], B2Q, sd
« Découpée par les valles de la Vézère et de la Dordogne, il [le Périgord Noir] doit son nom aux taux de boisement très élevé dû aux sables recouvrant un sous-sol crayeux, et à la présence largement répandue du chêne vert ou yeuse, au feuillage dense, sombre et persistant, très abondant dans le Sarladais. […] Dans ces pays calcaires, les résurgences, les grottes à concrétions, les cavernes aux parois sculptées ou peintes, témoins du passage des hommes de la Préhistoire, sont un attrait touristique. Des paysages harmonieux se découvrent le long de la Dordogne, plus particulièrement du haut de la « barre » de Domme ou des châteaux de Beynac et de Castelnaud. Sarlat, antique capitale du Périgord Noir, a été ranimée par le tourisme. »
Périgord, Berry, Limousin, Quercy (Guide de tourisme), Michelin, 1983
« Le feuillage sombre de ses forêts de chênes verts et de châtaigniers lui a donné son nom. Profondément entaillé par le Dordogne et la Vézère qui convergent à hauteur de Limeuil, le Périgord Noir est la terre d’adoption des Homo Sapiens. Ces hommes de Cro-Magnon se sont installés dans les grottes et les abris-sous-roche, nous léguant les plus belles réalisations de l’art pariétal. Au creux d’un vallon boisé, Sarlat recèle, dans chacune de ses ruelles, des trésors d’architecture médiévale et renaissance. »
[…]
« Autour de Sarlat se déroulent les hautes collines du Périgord noir. L’abondance des forêts de châtaigniers, de pins maritimes et des « garissades » de chênes verts a valu à cette région son appellation. Les sommets atteignent ici plus de 300 m d’altitude. Les falaises des Eyzies, de la Roque-Saint-Christophe, de Beynac-et-Cazenac et de Domme offrent des parois vertigineuses rappelant celles du Quercy. En traversant le Périgord noir, la Vézère et la Dordogne décrivent de multiples méandres, aux pieds d’abris-sous-roche où se réfugièrent les hommes au Paléolithique supérieur.Périgord, Quercy (Guides bleus), Hachette, 2007
« On ne se lasse pas d’explorer le Périgord noir, depuis Terrasson-Lavilledieu, au nord, jusqu’aux frontières avec le Bordelais, où les bastides ont vu s’affronter Anglais et Français. Voilà un coin de France qu’il faut prendre le temps de goûter. Lascaux, d’un côté, et Sarlat de l’autre, méritent votre attention toute l’année. Outre ses grottes et sites troglo, la vallée de la Vézère cache des amours de villages et des châteaux pas tristes. N’oublions pas les superbes jardins d’Eyrignac, les villages perchés de Beynac, La Roque-Gajeac ou Castelnaud, et le pays des bastides, où se referme cette parenthèse enchantée du sud-ouest de la France.
Site internet du Guide du Routard : https://www.routard.com/reportages-de-voyage/cid137063-le-perigord-noir-de-villages-en-chateaux.html
La Vézère : du pittoresque à la vallée de l’Homme
« Peu de rivières arrosent, comme la Vézère, de leur source à leur embouchure, une vallée aussi constamment pittoresque. »
Adolphe Joanne, Géographie du département de la Dordogne, Librairie Hachette, 1877
- La vallée de la Vézère en Périgord : la fabrique d’un paysage, (Images du Patrimoine), Région Nouvelle-Aquitaine, 2017
Depuis la frontière est du département jusqu’à la confluence avec la Dordogne, la vallée de la Vézère recèle d’innombrables sites remarquables et renommés amplement représentés. Les grandes vues panoramiques fréquentes dans les images anciennes sont favorisées par les hauts des coteaux abrupts qui encadrent la Vézère. Les villes et les villages installés au bord la rivière, au pied des coteaux sont très présents également dans ces images, comme les motifs récurrents de la falaise calcaire dans ses formes les plus surprenantes générées par l’érosion karstique.
Les paysages de la Vézère sont classés au titre de la loi sur la protection des Sites et Monuments naturels pour les nombreux abris-sous-roches et grottes qu’ils recèlent et qui s’inscrivent ici dans un paysage singulier dont la beauté intrinsèque explique en grande partie l’attractivité touristique de la Vézère. Les représentations contemporaines conjuguent ainsi souvent le pittoresque de la rivière et de ses coteaux calcaires, avec l’évocation d’un patrimoine historique unique, lui-même porteur d’images très puissantes, réelles ou imaginaires.
Une vallée amont oubliée ?
La ville de Terrasson bénéficie d’un élargissement de la vallée permettant un développement moins contraint que plus en aval. Dans les années 1960, date de la carte postale, ce développement reste, semble-t-il assez cohérent avec le site. Vers l’aval, la vallée se rétrécit entre des coteaux de plus en plus boisés. Sans site ou vestige remarquable, cette partie de la vallée est aujourd’hui peu représentée.
À droite, l’artiste Anatole de Roumejoux, au tout début du XXe siècle, érige la falaise et sa corniche dominant le village en motif de paysage. Depuis, ils sont devenus des éléments de paysage identitaires du Périgord Noir.
Montignac et Lascaux, Les Eyzies : paysages emblèmes de la Vézère
Montignac et Lascaux
C’est tout au début de la Seconde Guerre mondiale, le 12 septembre 1940, qu’est découverte à l’écart du village de Montignac la grotte ornée de Lascaux. Avant cette date, les cartes postales ne montraient qu’un village parmi d’autres planté le long de la Vézère et surplombé des tours de son château médiéval. Depuis les années 1980 et la construction d’une succession de répliques de la grotte, ce sont des détails des fresques extraordinaires de la grotte qui ont supplanté en nombre les images du village le long de la Vézère. L’environnement pédagogique développé par le Centre international d’art pariétal Lascaux IV met volontairement en relation le mode de vie des hommes du Magdalénien avec la pratique de leur art. Le parcours de visite propose une évocation des paysages de la vallée pendant cette période de climat froid et sec, mettant ainsi en scène l’évolution des paysages de la Vézère, à l’échelle de plusieurs dizaines de milliers d’années.
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Les Eyzies
- Louis Capitan (1854-1929), Le village des Eyzies de Tayac, 1905-1908
- RMN-Grand Palais (musée de la Préhistoire des Eyzies) / Franck Raux
https://www.photo.rmn.fr/archive/11-540621-2C6NU0O20MRI.html
Cette aquarelle due à un préhistorien et artiste montre l’imbrication des éléments qui construisent le paysage des Eyzies : falaise dont on devine les abris qu’elle recèle, tour en ruine, village groupé au pied du rocher. Ne manque que la rivière…
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La grotte de Cro-Magnon dont les vestiges humains ont été découverts à la fin du XIXe siècle est le sujet d’un petit film muet (non daté) extrait d’un documentaire de la série de reportages télévisés à vocation touristique Des racines et des ailes. Lors de ce reportage, les falaises de la vallée de la Vézère sont montrées telles qu’elles se présentent aujourd’hui, filmées à partir d’un hélicoptère. Le changement de perspective et de point de vue entre les deux séquences (l’ancienne et la contemporaine) met en évidence un changement radical de paysage. Dans les deux extraits, les espaces ouverts (prairies et champs) à proximité immédiate de la rivière ouvrent de belles vues sur les falaises et leurs abris-sous-roches, mais aujourd’hui les bois [3] ont envahi les coteaux. Le paysage n’est plus plus guère perceptible que depuis le ciel.
Beaux villages, châteaux et forteresses : autres emblèmes des paysages de la Vézère
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Le long de la Vézère, villages patrimoniaux, châteaux et forteresses mobilisent aussi les représentations. Très présentes dans la documentation touristique, elles enrichissent l’image générale de la vallée, même si leur facture le plus souvent est trop banale pour en parfaire l’identité.
La vallée de la Dordogne : cœur du Périgord noir
Depuis le village de Cazoulès en limite orientale du département jusqu’à Lalinde à proximité du Bergeracois, la vallée de la Dordogne, plus large que celle de la Vézère, étire ses nombreux méandres. En rive droite, quand la densité des boisements n’est pas trop grande, le coteau haut et abrupte offre des vues et des images sur la vallée et le sud de l’unité de paysages. Les panoramas depuis le jardin de Limeuil à la confluence de la Dordogne et de la Vézère, et depuis Rocamadou sur le cingle de Trémolat, sont iconiques des paysages de la vallée. En rive gauche, depuis le château de Fénelon à Sainte-Mondane, la vue s’étend loin sur le paysage sans pour autant faire l’objet de représentations notables. En revanche, en rive gauche toujours, le village de Domme, perché sur sa butte, offre des vues prisées. Cet ensemble de représentations auquel on peut ajouter celui des villages de Beynac-et-Cazenac, de La Roque-Gageac, de Castelnaud-la-Chapelle pour ne citer qu’eux, construit une partie essentielle de l’identité paysagère du Périgord Noir et du département.
Icônes panoramiques
Depuis le jardin de Limeuil
En aval de la Vézère, situé en belvédère au-dessus de sa confluence avec la Dordogne, le jardin privé du château de Limeuil, labellisé « Plus beau village de France », offre, à ses heures d’ouverture, des vues panoramiques imprenables sur les deux vallées. Ces images sont reprises dans toutes les publications touristiques consacrées à la Vézère, la Dordogne, et au Périgord Noir tout entier.
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Depuis un jardin pédagogique, une grande vue sur le paysage : une image iconique de la vallée de la Dordogne, du Périgord Noir et du département.
Le cingle de Trémolat
Les vues sur le cingle de Trémolat sont depuis au moins la fin du XIXe siècle elles aussi emblématiques de la vallée de la Dordogne. Le succès de cette représentation ne s’est jamais démenti depuis.
Très belle image d’une partie du cingle de Trémolat. Le centre du méandre, à gauche est, comme aujourd’hui, occupé par des cultures sur des parcelles ouvertes, découpées en grandes lanières. En rive droite, d’où est prise la photo, les affleurements calcaires clairs sur la pente du coteau abrupt tranchent avec les parties foncées couvertes de végétation. À peine quelques silhouettes d’arbres se détachent de la crête qui semble peu boisée.
Plus d’un demi-siècle plus tard, le paysage du centre du cingle a peu évolué offrant toujours de grands espaces ouverts de cultures organisées en grandes parcelles laniérées. A droite, plus en amont, la route semble épouser les déambulations de la rivière.
La Roque-Gageac, Beynac, villages-phares au pied des falaises
Le pittoresque de l’implantation des deux villages au bord de la rivière, au pied ou au flanc des falaises calcaires qui surplombent la vallée de la Dordogne fait de La Roque-Gageac et de Beynac deux sites exceptionnellement présents dans les représentations. Dans l’ensemble de la production « savante » (photographies d’artistes, peintures…) et « populaire » (cartes postales, photographies issues des publications touristiques) du département, elles se distinguent nettement par leur nombre et leur qualité.
La qualité du dessin et de la mise en couleur de ces deux affiches des années 1920-30 met directement en valeur les qualités pittoresques des deux villages accolés aux falaises de la vallée de la Dordogne. En réfléchissant la lumière du couchant, le ruban de la rivière et la pierre blonde du bâti jouent un rôle essentiel dans ces images de paysage.
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Deux images également centrées sur la lumière que reflète l’eau de la rivière. La première associe à l’image de patrimoine naturel des falaises, et de patrimoine bâti du château, celle des loisirs et de détente (descente de la rivière en canoë). La seconde, plus distanciée, dévoile l’amplitude d’un vaste panorama où s’enchaînent de part et d’autre de la rivière de belles séquences de bâti patrimonial.
En rive gauche, Domme sur sa butte
En rive gauche, dans le village de Domme perché sur une butte, l’esplanade de la Barre est reconnue depuis la fin du XIXe siècle comme un belvédère exceptionnel sur la vallée. Ce panorama identifié depuis longtemps et les représentations qu’il suscite sont aujourd’hui toujours prisées.
Sarlat et le Sarladais
Sarlat, ville à l’architecture médiévale et renaissance, est un autre des « hot-spots » du tourisme départemental. Les images, encore ici très abondantes, s’attachent à ce patrimoine que vise à entretenir et valoriser le label « ville d’art et d’histoire ». Entre les vallées de la Dordogne et de la Vézère, les paysages aux alentours de la ville sont moins bien servis, même si l’attrait des nombreux châteaux qui y sont essaimés peut être l’occasion de quelques représentations.
Sarlat
Une rare vue panoramique et contemporaine de la ville : les guides touristiques préfèrent le plus souvent représenter Sarlat par le biais de cadrages serrés sur les rues du centre ancien. On voit pourtant sur cette image touristique une urbanisation récente diffusée sur les collines proches du centre ancien de la ville.
Châteaux du Sarladais : occasions d’images de paysages
De nombreux châteaux parsèment le territoire autour de Sarlat. Installés dans de petits vallons ou accrochés à des collines, ils animent et arrêtent le regard sur des paysages que la présence de boisements denses empêche parfois de bien distinguer.
A l’écart de la ville médiévale, les images de paysages sont rares. Les châteaux, à droite celui de Temniac, à quelques km au nord-ouest de Sarlat, à gauche celui de Saint-Crépin-Carducet sont l’occasion de représentations d’ambiances paysagères. Le bâti ancien - ses pierres souvent très blondes, son mode d’implantation au creux d’un petit vallon ou au contraire en haut d’une colline – y joue là le rôle principal.
Des collines boisées et des villages au creux de petites vallées
Cet extrait d’un plan cadastral (partie cartographique masquée) est illustré par un dessin de paysage : une représentation rare et relativement ancienne (1937) du paysage de douces collines du Sarladais. Le village de Saint-Vincent-le-Paluel est situé au nord-est à proximité de Sarlat, dans la vallée de l’Enéa, petit affluent de la Dordogne.
[1] Le patrimoine exceptionnel à la fois paysager et historique du Périgord noir est protégé par de nombreux sites classés concentrés dans les vallées de la Dordogne et Vézère. Les grottes ornées de la Vézère sont inscrites sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1979 et la vallée fait l’objet d’une Opération Grand site (OGS). Sarlat bénéficie du label Ville d’art et d’histoire et plusieurs villages (Belvès, Beynac-et-Cazenac, Castelnaud-la-Chapelle, La Roque-Gageac, Limeuil, Saint-Armand-de-Coly, Saint-Léon-sur-Vézère) de celui de « Plus beaux villages de France).
[2] Les 15 sites les plus visités du Périgord selon l’office du tourisme du département de Dordogne : https://www.dordogne-perigord-tourisme.fr/decouverte/incontournables/sites-visites/. Selon l’étude « Comment renforcer l’attractivité touristique de la destination Dordogne Périgord », réalisée à l’initiative de Périgord Tourisme Dordogne par TNS et Protourisme, 86 % des visites touristiques du département se situent dans le Périgord Noir.
[3] Dans ce reportage, on voit le maire des Eyzies organiser avec des volontaires de la commune une coupe de bois à l’approche d’un grand abri-sous-roche pour en dégager l’accès et le rendre plus visible. C’est une des actions mise en œuvre dans le cadre du Grand Site France Vallée de la Vézère