Perceptions culturelles du Périgord Central

Le Périgord Central et le Périgord Noir concentrent en nombre et en qualité l’essentiel des représentations « savantes » et populaires des paysages du département de la Dordogne. Dans la vaste étendue du Périgord Central, la richesse du patrimoine urbain et historique de Périgueux, les nombreux châteaux, les centres anciens des petites villes de Nontron, Excideuil, Brantôme…, spots touristiques du département, comme ceux de nombreux bourgs et villages ont fait naître des représentations picturales de qualité. Elles sont complétées d’une foison d’images touristiques anciennes et actuelles qui dessinent un portrait patrimonial très positif du territoire. Mais cette image ignore aussi les campagnes « ordinaires » peu différenciées et valorisées, et occulte les effets de l’urbanisation diffuse qui gagne les coteaux et l’espace rural, particulièrement à la périphérie de Périgueux, et qui ont un fort impact sur les paysages.

Les représentations du Périgord Central

De beaux sites patrimoniaux très reconnus et représentés par les artistes et l’iconographie populaire des cartes postales (Périgueux, Brantôme, Excideuil, Bourdeilles...) ; mais tout autour aussi, de nombreux espaces peu ou pas montrés.

  Des spots touristiques reconnus

L’unité de paysage accueille des sites touristiques très visités mis en image au moins depuis le début du XXe siècle. L’iconographie ancienne – dessins, estampes, peintures, cartes postales anciennes - est riche en quantité et en qualité. Nous n’en donnerons ici que quelques exemples.

De gauche à droite : Bourdeille (Dordogne), Affiches Ronteix (Périgueux), 1re moitié du XXe siècle, Centre de tourisme du Périgord ; Léon Félix, Périgueux, Syndicat d’initiative du Périgord, 1924 ; Pierre Commarmond, Brantôme (Dordogne), Circuits automobiles P.O. Midi, 1934
Affiches de tourisme, milieu du XXe siècle, Archives départementales de Dordogne, 11 Fi 100 ; 11 Fi 16, 11 Fi 97

Trois exemples d’affiches de sociétés de chemin de fer prenant pour objet des sites du Périgord Central qui donnent aux trois villes une image joyeuse et colorée. Les centres anciens, leurs églises, leurs châteaux, et les cours d’eau qui les traversent y sont à l’honneur.

La ville et son cours d’eau : l’exemple de Brantôme

Sur la Dronne, Brantôme, hier comme aujourd’hui, est un des sites les plus représentés, notamment par les peintres.

Robert Dessales-Quentin (1885-1958), Brantôme, sd, coll. part.
Extrait de Jean-Michel Linfort, Le Périgord des peintres, Fanlac, 2010

Des peintres, le plus souvent nés dans le Périgord, ont représenté les paysages du Périgord Central. Un exemple ici avec Robert Dessales-Quentin, natif de Brantôme. La rivière, la Dronne fait dans ce tableau jeu égal avec le patrimoine architectural, justifiant sans doute le slogan touristique contemporain de la ville : Brantôme, Venise du Périgord [1]
Cette peinture joue aussi du rapport entre le bâti de pierres blondes et le cadre boisé plus foncé sur lequel il se détache : un des caractères récurrents des paysages du Périgord Central.

Un paysage d’histoire : l’exemple de Périgueux

Capitale du département, Périgueux, porte aussi par son nom les images mentales du Périgord tout entier. Installée au bord de l’Isle, la ville possède un patrimoine architectural et historique riche et varié. Les vestiges de l’époque romaine y sont notamment très importants et mis en scène aujourd’hui de manière très contemporaine, renforçant ainsi la qualité de son paysage urbain. La ville détient le label Ville d’art et d’histoire du ministère de la Culture.

« La capitale du Périgord est Périgueux, qu’on appelait autrefois Vesuna. C’est une ville épiscopale, située dans une vallée très agréable et entourée de collines de tous côtés. On soutient que son antiquité est prodigieuse et qu’elle fut fondée par les descendants de Noé lorsqu’ils arrivèrent dans les Gaules. Je laisse de côté ces prétentions suspectes, et je remarque seulement que la cité a beaucoup perdu de ses dimensions depuis les Romains, comme l’attestent toutes les ruines, les colonnes, les voûtes qu’on y trouve.
Elle se divise en deux parties, séparées l’une de l’autre d’une centaine de pas. L’ancienne ville, qui porte par excellence le nom de cité, sert de demeure à l’évêque. [...]
D’ici la rivière appelée Ile coule vers Libourne, en coupant une vallée ravissante semée de champs, de prés, de vignobles. Ce qui charme surtout les yeux, c’est de voir les ormes et d’autres arbres très élevés mariés aux vignes. Tu croirais que leurs rameaux eux-même portent des grappes.
 »

Just Zinzerling, Voyage dans la vieille France, avec une excursion en Angleterre, en Belgique, en Hollande, en Suisse et en Savoie, 1616, traduit le latin par Thalès Bernard, Librairie nouvelle, 1859

Anatole de Roumejoux (1832-1902), Aquarelle de Périgueux, Détail du carnet n°27, entre 1860 et 1900
Médiathèque Pierre Fanlac de Périgueux, A27P11, Bibliothèque numérique du Périgord

Le clocher de la cathédrale Saint Front de style byzantin est un repère essentiel du paysage urbain qui identifie la ville dans toutes ses représentations. En contre-bas, l’artiste a tenu à inscrire la silhouette urbaine dans son rapport avec la végétation et la rivière.

Musée site gallo-romain Vesunna, photo, OT Périgueux, sd
Une maison-musée ouverte sur un jardin et plus loin la ville : une mise en scène de l’origine de Périgueux et une ouverture sur le paysage urbain.

  Des paysages de campagne peu identifiés

Les campagnes du Périgord Central présentent des caractères de doux vallons que cadrent des horizons boisés. Ces caractères, aussi agréables soient-ils, ne peuvent que difficilement affirmer une identité. Aussi, cet espace rural est peu identifié comme paysage. Les images anciennes et contemporaines sont rares.

A gauche, Léo Justin Laffargue (1864-1929), La Rochebeaucourt-et-Argentine, Vue sur le château et le village, photo, 1880 ; en haut, à droite, Campsegret, troisième quart du XXe siècle, carte postale ; A droite, en bas, Saint-Pierre-de-Chignac, carte postale, 1942
Archives départementales de la Dordogne, 33 Fi 6 ; Collection particulière ; Archives départementales de la Dordogne, 2 Fi 3674

Dans trois endroits différents, à trois époques différentes, ces photographies montrent des paysages assez similaires : des villages exprimés par la verticalité du clocher de leur église ou les tours de leur château qui se détachent de l’horizon collinaire plus ou moins boisé. Au premier plan, des prairies ou des vergers peu denses permettent de dégager de belles vues sur les silhouettes des villages bien groupés.