Dynamiques et enjeux paysagers de la Vallée de l’Isle

  DYNAMIQUES

La comparaison des cartes et photos aériennes permet de révéler les évolutions du paysage.

La Vallée de l’Isle à la fin du XIXe siècle

Vallée de l’Isle Carte d’Etat-major. 1860

La carte d’Etat-major montre un paysage agricole dominé par les cultures (beige), qui sont majoritaires autour des prés humides (vert-bleu) bordant l’Isle et ses affluents. Les bois et forêts (vert) occupent les versants.
Le bourg de Montpon est implanté le long d’une rue principale, sur une terrasse alluviale dominant le fond inondable de la vallée. En face, le village de Ménestérol et les nombreuses fermes sont implantés sur des terrains plus exposés aux caprices de la rivière.





La Vallée de l’Isle au milieu XXe siècle

Vallée de l’Isle Photographie aérienne. 1950-65

La photographie aérienne des années 1950-65 permet de préciser l’occupation du sol.

Un petit parcellaire

Autour de l’Isle et de ses affluents, s’étendent de vastes parcelles de prés inondables, accompagnés de haies arborées. Les cultures occupent de petites parcelles en lame de parquet, de quelques dizaines d’ares. On y observe de nombreuses lignes de fruitiers qui témoignent d’une agriculture encore vivrière.

Le développement du bourg

Le bourg de Montpon s’est considérablement épaissi, développant un important quartier entre la rue principale et la voie ferrée, ainsi qu’aux abords du pont.
En face, quelques constructions s’alignent le long de la RD autour du hameau de Farges.


La Vallée de l’Isle aujourd’hui

Vallée de l’Isle Photographie aérienne. 2018

La photographie aérienne contemporaine met en évidence de nombreuses évolutions.

Une urbanisation qui s’étire le long de chaque route

La croissance urbaine est considérable, aussi bien sur la terrasse que dans la vallée. Chaque route est désormais bordée d’une ligne de constructions, l’ensemble formant un paysage périurbain avec de nombreuses parcelles agricoles enclavées. Les nouvelles constructions sont implantées en retrait de la rue. Le bourg de Montpon s’est considérablement élargi, dépassant désormais les 4 km de longueur d’est en ouest. En entrée de bourg sont apparues les zones d’activités et les lotissements. La voie ferrée, qui cadrait l’urbanisation des années soixante, est désormais intégrée dans le bourg.

Dans le fond inondable, une évolution contrastée

Autour de l’Isle, s’observent des évolutions contrastées. D’une part, on constate une fermeture du paysage avec l’épaississement des ripisylves, l’enfrichement de certains prés inondables et le développement des peupleraies. De l’autre, apparaissent de vastes emprises agricoles où les arbres ont disparus.

Un agrandissement parcellaire

L’agrandissement des parcelles agricoles peut être spectaculaire par endroits avec des parcelles qui atteignent désormais les 30 ha formant de vastes champs de maïs ou de céréales et quelques vastes prairies. En contrepoint, subsiste un parcellaire de taille plus réduite (entre 1 et 5 ha) qui s’intercale entre les secteurs plus urbanisés.



  ENJEUX PAYSAGERS

Dans la Vallée de l’Isle, les principaux enjeux paysagers tiennent à la maîtrise de l’urbanisation, au maintien d’une agriculture diversifiée et à la découverte des paysages depuis les routes.

Cliquer sur le bloc-diagramme pour faire apparaitre les principales pistes d’actions


Maitriser et recomposer l’urbanisation

Le visage de la vallée de l’Isle a considérablement évolué au fil du temps. L’urbanisation s’est étalée de multiples façons : en périphérie de centres anciens, par sauts d’urbanisation, par urbanisation linéaire, par implantations isolées de lotissements ou par mitage… La vallée qui a concentré les axes de communications majeurs, les terrains plats faciles à aménager, et la proximité de Périgueux, ont fortement influencé ces évolutions. Cela aboutit en de multiples endroits, à une urbanisation hétéroclite, désordonnée qui dessert la qualité des paysages. Les extensions bâties, parfois continues, ont altéré la lisibilité des centres anciens par dilution ou en les masquant. Elles se sont étalées de façon plus ou moins continue le long des routes, occultant ou unifiant les vues. Un arrêt de l’étalement et de l’artificialisation des sols est désormais nécessaire pour retrouver un paysage de qualité. Cela doit s’accompagner d’actions de recomposition et de densification urbaine, d’un travail sur les liaisons et les transitions, de l’affirmation d’une hiérarchie des voies et de centralités bâties et de la valorisation de nouveaux lieux fédérateurs (gares).

Pistes d’actions envisageables :
- Prôner un développement durable et économe de l’espace dans les documents d’urbanisme. Interdire l’urbanisation linéaire et le mitage. Se développer autrement que par l’étalement urbain.
- Donner aux espaces agricoles une reconnaissance et une protection forte leur permettant de rivaliser avec la pression foncière urbaine. Eviter la fragmentation des espaces agricoles.
- Conserver des coupures d’urbanisations pour garder des respirations.
- Qualifier et aménager les abords des zones de développement (zone commerciale, équipement, lotissement).
- Dynamiser les centres bourgs pour inciter la restauration des habitations. Densifier les parcelles enclavées.
- Redonner aux gares un rôle de polarité urbaine. Aménager et développer leurs abords en liaison avec les centres.
- Recomposer des groupes de lotissements. Améliorer les espaces publics et les terrains de détente.
- Envisager d’autres formes d’urbanisation que le lotissement au profit de quartiers reliés avec le centre bourg. Créer de nouvelles voies et un maillage viaire.
- Requalifier les abords des zones d’activités situées le long des axes et des entrées de villes. Maîtriser la publicité et les enseignes. Veiller à l’impact paysager des bâtiments d’activité.
- Affirmer les entrées, requalifier les voies d’accès, les pénétrantes, les boulevards.
- Offrir un réseau de promenades et de déplacements doux, ainsi que d’espaces de détente.


Valoriser les itinéraires routiers et les chemins

La vallée de l’Isle en aval de Périgueux concentre plusieurs axes routiers majeurs. Ces voies de communications très empruntées constituent les vitrines principales sur les paysages de la vallée. La RD 6089 et la RD 3 en sont chacune à leur façon l’illustration parfaite. Chaque voie met en avant des atouts du paysage à valoriser : ouverture, présence de l’eau, étendue agricole, côtoiement des coteaux boisés ou rocheux, développement urbain, centre ancien. L’aménagement de ces voies mérite une grande attention afin de mieux les insérer dans les lieux qu’elles traversent. La perception du paysage depuis la voie et réciproquement la perception de la voie dans le paysage sont également importants. Il est essentiel de maîtriser la qualité les abords de la voie, souvent sollicités par un développement urbain, résidentiel ou de zones d’activités. La gestion des abords des voies conditionne les vues et constitue un enjeu important. Le vocabulaire routier (signalétique, glissières, ouvrages) a également un rôle dans la qualité des itinéraires et doit s’adapter au contexte. Les carrefours constituent des moments de réorientation et de ralentissement qui sont aussi des moments de découverte du territoire à soigner. En prolongement des routes, la connexion avec les chemins apporte autant d’occasions d’arpenter le paysage à une autre vitesse. Cela participe également à la qualité de vie de proximité pour les habitants et permet de recréer des liens à travers la vallée.

Pistes d’actions envisageables :
- Mettre en valeur le paysage perçu depuis les grands axes et à l’échelle du déplacement rapide. Mettre en scène les itinéraires en fonction des séquences paysagères. Élaborer des plans de gestion des dépendances vertes et des alignements d’arbres.
- Valoriser les événements jalonnant les parcours (pont, carrefour, point de vue).
- Aménager les entrées et les traversées de bourg ainsi que les connexions avec les centres anciens.
- Maîtriser l’urbanisation limitrophe de la voie. Aménager les abords de la voie pour redonner une unité à une urbanisation parfois disparate.
- Améliorer les abords des zones d’activités en façade sur la route. Limiter l’affichage publicitaire et les enseignes.
- Porter une attention à l’aménagement des carrefours. Privilégier un aménagement de la périphérie plutôt que de la galette centrale des giratoires.
- Aménager des aires d’arrêt attractives aux endroits clés du paysage. Les relier à des réseaux de chemins existants.
- Retrouver des réseaux de chemins à des endroits stratégiques pour percevoir le paysage, relier les secteurs urbanisés, autour des centres anciens.


Maintenir et préserver une agriculture diversifiée

En conséquence d’un développement urbain important, les surfaces agricoles ont perdu de l’étendue et de la diversité. Les parcelles ont fusionné pour devenir plus uniformes. La place de l’arbre sous toutes ses formes (isolé, en rideau, haie) a diminué. Ces ouvertures agricoles et leur diversité jouent pourtant un rôle essentiel pour garder un paysage attractif et offrir des respirations dans un contexte fortement urbanisé. Même si elles ne sont que très partiellement accessibles, elles peuvent avoir également un rôle d’espace complémentaire de détente. Ici, l’agriculture prend un tout autre sens en composant le cadre de vie de proximité des nombreux habitants. La présence de l’arbre a une grande importance tant paysagère qu’environnementale. Le maintien d’une diversité passe par la conservation et le renouvellement des arbres isolés, des bosquets, des haies et des ripisylves, qui modulent l’échelle du paysage et participent à son attrait. L’arbre permet aussi de lutter contre l’érosion dans un contexte de crue notamment, de réguler la teneur en eau des terres ou de participer à la qualité agronomique des sols. Les abords des chemins peuvent être le support de cette végétation et concilier desserte agricole et découverte du paysage. Leur aménagement est à coordonner avec la démarche Trame verte et bleue.

Pistes d’actions envisageables :
- Donner à l’agriculture une reconnaissance lui permettant de rivaliser avec la pression foncière urbaine.
- Maîtriser le foncier aux endroits les plus sensibles (fort impact visuel, lieux stratégiques, abords de villages).
- Stopper en grande partie l’urbanisation résidentielle ou industrielle des terres agricoles. Conserver des coupures agricoles entre les bourgs. Arrêter le mitage.
- Créer des zones de transition entre les parcelles bâties et les terrains agricoles exploités. Planter les abords des nouveaux lotissements ou des constructions isolées.
- Maintenir ou créer un réseau de chemins agricoles accessibles sans culs de sac, surtout en périphérie des villages et des lotissements.
- Planter des haies et des arbres le long des chemins ruraux.
- Conserver une diversité des cultures.
- Aménager les abords des exploitations agricoles pour en soigner l’image.
- Concilier le maintien de la trame arborée et l’évolution du parcellaire. Cibler les actions de replantations sur les secteurs qui se sont le plus ouverts.
- Préserver et replanter des arbres (haies, arbres isolés, rideaux) sur les secteurs ouverts ou pour accompagner la division ou l’agrandissement parcellaire.
- Maintenir les ripisylves le long des cours d’eau.
- Réfléchir à la place du peuplier dans la vallée, notamment aux endroits les plus sensibles : confluences, proximité des bourgs et des ponts.


Valoriser la présence de l’Isle et de ses affluents

L’Isle constitue un fil conducteur au sein de la vallée. Sa présence reste finalement discrète compte tenu des nombreux écrans qui la masquent. Elle déambule, entourée de prés et de champs, souvent à distance de l’urbanisation en raison des crues. Elle constitue pourtant un envers du décor attractif par rapport aux paysages perçus depuis les routes. Elle participe à l’animation de ce territoire de multiples façons. Il y a par exemple le passage au pied d’une falaise calcaire qu’elle révèle, la présence d’un patrimoine lié à la maitrise de l’eau, à une activité artisanale ou à la navigation, les nombreux ponts qui la donnent à voir, ou encore certains bourgs ou villages qu’elle jouxte. L’Isle, les canaux ou encore les petits affluents avec leur confluence constituent ainsi des atouts qui participent à la qualité des paysages de cette vallée et méritent d’être mis en valeur.

Pistes d’actions envisageables :
- Donner accès au cours d’eau. Créer ou rouvrir des chemins sur les berges. Regagner les emprises publiques oubliées le long de l’eau pour créer des chemins.
- Rendre visibles les cours d’eau. Mettre en scène les perspectives sur l’Isle.
- Valoriser les situations particulières ou les lieux remarquables composants avec la rivière : falaise, méandre, surplomb, ouvrage...
- Rendre perceptibles les confluences (ouverture, passage du ruisseau, maitrise de l’urbanisation…).
- Mettre en valeur des points de vue sur la vallée depuis les coteaux.
- Gérer la végétation pour voir l’eau, notamment aux abords des ponts, des routes et des villages.
- Moduler ou retrouver les ripisylves.
- Mettre en valeur le patrimoine lié à l’eau : chute d’eau, anciens ports, canaux, quais, ponts aux architectures remarquables.
- Mettre en scène les façades urbaines ou les bords des villages sur l’Isle. Tisser des liens entre les villages et la rivière. Aménager des espaces publics attractifs le long de l’Isle.


Conforter et améliorer les centres bourgs

Dans le contexte de fort étalement urbain de la vallée de l’Isle, la perception oscille souvent de fait entre l’urbain et le rural. Il est alors d’autant plus important d’affirmer des centralités bien identifiables et surtout attractives, formant des repères incontournables. Un centre bourg animé avec des espaces publics de qualité joue un grand rôle pour l’image de la commune. L’entrée du bourg doit marquer le passage de la route à la rue et donner une image positive annonçant la qualité interne des lieux. Dans ces environnements rurbains, il est important que l’aménagement des espaces publics conserve une belle simplicité. Une réflexion pourrait également être menée sur les espaces publics afin de restructurer des opérations urbaines, trop souvent déconnectées les unes des autres.
La préservation de terres agricoles pour éviter une artificialisation des sols par les nouvelles urbanisations implique de recentrer l’attention vers une dynamisation des centres bourgs. Des actions pour restaurer et redonner vie aux habitations anciennes délaissées, mutualiser les parcelles vides pour densifier, plutôt que de systématiquement construire en périphérie du bourg, s’imposent pour proposer de nouvelles façons d’habiter ensemble. La construction d’un nouvel équipement est aussi l’occasion de reconsidérer l’organisation du village. L’enjeu est de préserver ce qui a une valeur et de trouver une nouvelle harmonie avec les aménagements envisagés.

Pistes d’actions envisageables :
- Valoriser les éléments qui donnent au bourg son côté unique. Révéler le site d’origine d’implantation des villages en fonction du relief ou de la présence de l’eau.
- Aménager les entrées pour marquer une transition vers le bourg.
- Préserver le cachet des places et les mettre en valeur. Révéler l’histoire et soigner la qualité des aménagements. Trouver un équilibre entre stationnement et convivialité des espaces publics.
- Utiliser l’arbre à bon escient pour structurer l’espace des entrées (alignement) ou des places (mail)
- Utiliser un vocabulaire simple mais de qualité, avec des matériaux locaux, pour les aménagements des espaces publics : sol sablé, pierre, arbres, pelouse, suffisent dans bien des cas à composer des espaces de qualité.
- Valoriser le patrimoine bâti dans toute sa diversité.
- Favoriser l’occupation des maisons anciennes délaissées. Redynamiser l’habitat en centre bourg. Accompagner les mutations du bâti pour s’adapter aux usages d’aujourd’hui.
- Utiliser l’espace public pour fédérer et structurer des opérations urbaines disparates ou déconnectées.
- Aménager des tours de villages attractifs en complément du centre ancien.