Les cluzeaux

Les cluzeaux (cluseaux ou cruzeaux), largement présents du sud-ouest de l’Aquitaine au Limousin, sont particulièrement nombreux dans le Périgord. La toponymie en témoigne par de nombreux lieux-dits nommés ainsi. Le nom provient du latin cludere « clore ».

Rédaction et iconographie Anaïs ESCAVI, paysagiste-conseil DDT24

  Des souterrains-refuge

Ce sont des abris artificiels, creusés parfois dans le sol (dans les villages et hameaux) ou plus souvent dans une paroi, de type souterrain-refuge, le plus souvent dans les roches calcaires tendres. Ces abris troglodytiques sont parfois très étendus avec une succession de chambres.
La plupart des cluzeaux ont été créés et occupés lors des périodes de troubles : principalement lors des grandes invasions du IXe siècle et les guerres de religion du XVIe siècle. Au XIIIe siècle, l’inquisition pourchasse les Cathares qui s’y réfugient. Ces refuges, habités de façon temporaire durant ces périodes d’insécurité, étaient aménagés de manière à « tenir » le siège : des silos creusés dans le sol permettaient de stocker les vivres tout au long de l’année.
Si certains ensembles, comme celui de la Roque Saint-Christophe dans la vallée de la Vézère, sont ouverts au tourisme, la plupart d’entre eux sont connus des seuls riverains ou des propriétaires.
Serge Avrilleau, éminent spécialiste du monde souterrain en Dordogne, a répertorié environ 1600 cluzeaux en Périgord, et, à titre d’exemple, la commune de Sorges en compte 33 !

  Des usages rituels ?

Certains auteurs, tel Maurice Broëns, considèrent que les cluzeaux souterrains ont pu avoir la fonction d’hypogées ou " maisons des esprits ". C’est la conception chthonienne de l’antichambre avant l’envol vers le monde des esprits. Au moyen âge, les rites païens perdurent parallèlement au christianisme. A la mort on considère que le défunt se décompose en trois parties : le corps reste au tombeau, l’âme est prise en charge par l’église, reste l’esprit que les sociétés traditionnelles gèrent en famille : on enferme l’esprit des morts dans le sol et on attend les environs du 15 août pour ouvrir les cluzeaux et laisser les âmes s’élever (ascension).
L’interprétation des éléments creusés peut nourrir deux éventualités : silos à grains ou fosses à offrandes … Ce qui serait le cas des cluzeaux associés à une fontaine, développés en pied de falaise, loin des villages.
Mais il pourrait aussi s’agir d’ermitages.

Les cluzeaux de St Pardoux de Mareuil se développent sur les deux flancs de la vallée, autour d’une fontaine sacrée, validant la deuxième thèse d’usage de ces lieux, occupés sans doute au Vie siècle par une communauté religieuse, sous le patronage de St-Front.

  La place des cluzeaux dans l’offre touristique

Collectivement, l’image du Périgord est associée d’une part à ses châteaux, et de l’autre à la préhistoire, et son monde souterrain, grottes peintes ou gravées, gouffres spectaculaires…
Pourquoi s’intéresser aux cluzeaux dans un atlas de paysage ? Ces éléments constituent des modes d’habiter ou de culte très discrets dans le paysage, ils s’y fondent totalement et nécessitent une curiosité attentive pour les découvrir. Ils tirent parti des éléments géographiques locaux : roche, eau, végétation, dans des formes intemporelles. Et, comme pour tout ce qui a trait au monde souterrain, ils fascinent. Ils sont très présents dans le nord du département, secteur moins fréquenté et moins connu.
Le tourisme dans le sud-est est marqué par la préhistoire, le sud-ouest par les anciennes places marchandes des bastides médiévales. Le nord du département semble davantage marqué d’une empreinte religieuse forte : l’abbaye de Brantôme, le monastère d’Echourgnac, les nombreuses églises romanes. La découverte des cluzeaux renforcerait l’identité du Périgord blanc. Seul le cluzeau de St Pardoux de Mareuil est fléché dans la signalétique touristique et se visite librement. Celui de Chambrebrune à Brantôme est inscrit MH mais reste privé.

Carte des souterrains (source géorisque)
En bleu, les cavités artificielles civiles et en jaune les cavités naturelles. Cette carte n’est pas exhaustive, mais permet de localiser les densités les plus fortes : Périgord central, Ribéracois et Périgord noir.

  Sources

https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Cluzeau
Carte des cavités souterraines
• Serge Avrilleau, Cluzeaux et souterrains du Périgord, P.L.B. éditeur, t.1, Le Bergeracois, Périgueux, 1975 a été réédité et augmenté en deux parties soit t.1a, le sud Bergeracois, 1996 et t.1b, Bergerac partie nord, 2004. Sont parus aussi t.2 Le Ribéracois, première partie, 1993 et t.3 Le Ribéracois, deuxième partie, 1994 puis t.4 Cantons de Saint-Aulaye et de Verteillac, 2008, t.5 Nontronnais, 2011. Sont annoncés t.6, Périgueux et t.7, Le Sarladais.
• Interviews de Serge Avrilleau : https://www.albuga.info/fr/histoire/moyen-age/cluzeaux/index.html
• Robert Hervier, Cluzeaux et souterrains du Périgord, tome 7a, P.L.B. éditeur, 2016, Les cluzeaux de la Vézère et des Beunes.
Le cluzeau du Pétrou, à Carves, inscrit MH depuis 1988
Les cluzeaux de Sorges
Le cluzeau de Chambrebrune à Brantôme, inscrit MH depuis 1988

Voir aussi